Une peur disproportionnée entoure la 5G

Mathieu Fornasier-Bélanger

Étudiant au doctorat en neuropsychologie

Une peur disproportionnée entoure la 5G

Mathieu Fornasier-Bélanger

Étudiant au doctorat en neuropsychologie

Le déploiement de la technologie 5G au Québec suscite l’inquiétude chez plusieurs individus qui proclament qu’elle est nuisible pour la santé. Pourtant, la communauté scientifique internationale affirme que la dangerosité est invraisemblable, il y aurait donc plus de peur que de mal.

L’incendie criminel d’une tour cellulaire à Laval (Québec) en mai 2020, dont les dommages s’élèvent à un million de dollars, rappelle à la société québécoise que les théories du complot se véhiculent autant ici qu’ailleurs dans le monde (1). Le déploiement de la technologie 5G, une nouvelle génération de télécommunication cellulaire qui devrait arriver au Québec d’ici quelques années (2), se frappe à de nombreuses craintes répandues dans les médias et les réseaux sociaux (3). La question qui alimente la majorité de ces publications demeure pertinente : le déploiement de la technologie 5G entraine-t-il un risque sur la santé humaine? Pour le moment, les commissions scientifiques internationales soutiennent que les réglementations mises en place sont efficaces afin d’en prévenir les effets possiblement dangereux.

Une transmission à la base d’ondes radio

La 5G n’est pas une technologie entièrement nouvelle. Elle est le produit évolutionnaire des quatre générations de télécommunication mobile précédentes (d’où son nom de 5e génération [4]). Comme ses consœurs, la 5G utilise des ondes radio pour transférer de l’information. Une onde, caractérisée par sa fréquence et son intensité, peut être représentée comme une vague qui se déplace dans l’eau. Plus il y a un nombre élevé de vagues dans un court laps de temps, plus la fréquence est élevée. Plus les vagues sont hautes, plus l’intensité est élevée. La 5G se distingue des anciennes générations par l’utilisation d’ondes radio à plus hautes fréquences, dotées d’une plus grande intensité (5). Cependant, cette amplification ne signifie pas nécessairement que les ondes 5G sont plus dangereuses.

Absence d’impacts thermiques chez les humains

Si vous avez déjà chauffé de la nourriture dans un four à micro-ondes, ou si vous vous êtes déjà brulé.e.s en vous rapprochant trop près d’une ampoule allumée, vous avez découvert par vous-même un effet bien connu des ondes : l’effet thermique. Lorsqu’une onde entre en collision avec de la matière, comme de la peau, elle y transfère son énergie et entraine une augmentation de la température. Une augmentation de la température du corps peut occasionner des effets néfastes tels que des brulures, des coups de chaleur et même la mort (6). Heureusement, plusieurs comités scientifiques internationaux comme l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP) ont établi des limites d’exposition aux ondes radio. Ces limites ont d’ailleurs été révisées en 2020 par l’ICNIRP afin de prendre en compte les ondes de plus haute fréquence et de plus grande intensité employées par la 5G. Les seuils d’exposition proposés préviennent toute augmentation significative de la température du corps (7,8). Ainsi, les ondes radio employées par la 5G et les autres télécommunications n’ont pas une intensité assez élevée pour entrainer des effets thermiques sur les êtres humains. Une autre question préoccupe toutefois certaines personnes : existe-t-il un mécanisme d’action inconnu, qui agit autrement que par l’augmentation de température, et qui pourrait ainsi entrainer des effets néfastes?

Des effets non thermiques difficilement interprétables

Plusieurs croyances populaires comme « l’exposition au téléphone cellulaire cause le cancer : il faut tenir le combiné loin de sa tête! » sont remises en question par des études récentes (9). Les craintes par rapport à l’exposition aux ondes radio sont souvent fondées sur des études qui sont contestées. Au cours des dernières années, plusieurs équipes de recherche se sont penchées sur des fonctions biologiques possiblement affectées par des effets non thermiques des ondes radio. Deux chercheurs ont notamment recensé 94 études utilisant des ondes radio similaires à celles employées par la 5G, mais qui ne respectaient pas nécessairement les seuils d’exposition mentionnés plus haut. Parmi celles-ci, 70 % ont indiqué avoir détecté des effets non thermiques sur des organismes vivants tels que des cultures de cellules, des rats et des humains (10). Ainsi, ces études attribuaient des conséquences néfastes comme une baisse de fertilité, des changements métaboliques et une hausse du taux de cancer à un mécanisme autre que l’augmentation de la température causée par les ondes. Cependant, la majorité de ces études ont mal été réalisées, puisque plusieurs critères de qualité n’ont pas été respectés. Entre autres, si nous voulons seulement mesurer les effets non thermiques, il faut prévenir tout effet thermique. Or, certaines des études ont déclaré avoir trouvé des effets non thermiques alors que l’augmentation de température associée aux expositions élevées n’a pas été contrôlée. Une autre recherche a également démontré que plus les études portant sur l’exposition aux ondes radio sont réalisées avec rigueur, moins il y a d’effets détectés (11). De plus, l’absence de reproductibilité des études démontrant un effet non thermique rend leurs conclusions incertaines (12). Le constat est celui-ci : s’il existe bel et bien des effets non thermiques, les études actuelles ne permettent pas de les expliquer. C’est pourquoi l’ICNIRP mentionne qu’il est improbable que l’exposition aux ondes radio entraine des effets néfastes sur la santé.

Remettre les pendules à l’heure

Même si la technologie 5G n’est pas encore officiellement déployée au Québec, l’exposition aux ondes radio des générations de télécommunication précédentes respecte les seuils établis jusqu’à présent et n’entraine pas d’effets thermiques (13). Si la tendance se maintient, il est peu probable que la 5G soit instaurée sans respect pour les normes. Puisque la 6G est déjà en développement et sera probablement plus puissante que la 5G (14), il est important de se rappeler que l’intensité des ondes radio est très faible par rapport au spectre total des ondes auxquelles nous sommes exposé.e.s. Pour mettre en perspective les fausses croyances qui enflamment les réseaux sociaux, il est intéressant de savoir que les ondes d’une ampoule émettant de la lumière jaune transfèrent au moins 1000 fois plus d’énergie que les ondes radio les plus fortes lorsqu’elles entrent en contact avec la peau (15).

Merci à Olivier Gingras, candidat au doctorat en physique de la matière condensée à l’Université de Montréal, pour la révision des aspects appartenant au domaine de la physique.

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