Sophie Malavoy: savoir vulgariser pour une plus grande portée!

Gabrielle Lebeau

Auteure et étudiante en psychologie, UQAM

Sophie Malavoy: savoir vulgariser pour une plus grande portée!

Gabrielle Lebeau

Auteure et étudiante en psychologie, UQAM

Pour la première édition de la revue La Fibre, madame Sophie Malavoy a accordé une entrevue afin de partager sa vision de la vulgarisation scientifique. Son témoignage précieux saura éclairer nos auteurs… et nos lecteurs!

Sciences 101 – Vulgarisation UQAM

Sophie Malavoy a travaillé 14 ans à l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) : nous avons voulu en savoir plus …

« Je n’ai jamais étudié en communication et mon passage à l’ACFAS fut donc ma première expérience dans le domaine. J’avais auparavant été associée professionnelle de recherche à Polytechnique Montréal. Lorsqu’on m’a offert le poste à l’ACFAS, j’avais écrit très peu d’articles, bien que très intéressée par l’écriture »

Elle a tout appris là-bas auprès de son mentor Jean-Marc Gagnon : édition du magazine, édition des textes de chercheurs, édition savante des textes de journalistes. « On arrivait parfois à neuf versions des textes de chercheurs qu’il fallait réécrire ». C’est ce qui l’a menée à écrire le « Guide pratique de vulgarisation scientifique ».

En 1998, madame Malavoy a publié ce guide qu’elle voulait simple, basé sur des exemples pratiques : « Je ne voulais pas un livre de réflexion trop long, car les chercheurs n’ont pas le temps. Mon objectif était de rendre les chercheurs plus conscients des trucs qu’utilisent les journalistes en vulgarisation, sachant que certains ont moins de facilité dans ce champ d’expertise ». Le « Guide pratique de vulgarisation scientifique » a fait l’objet d’une mise à jour : certaines sections ont été augmentées.

Souvent, les chercheurs ont de la difficulté avec la vulgarisation scientifique, explique Sophie Malavoy. Ils ont l’impression qu’on dénature leur propos quand on vulgarise. C’est parfois la faute du journaliste, parfois celle des chercheurs, qui n’arrivent pas eux-mêmes à extraire leur propos. Ils conçoivent la rédaction comme de l’enseignement : expliquer aux gens ce qu’ils ne savent pas. « Mais non : le défi est d’être intéressant, les gens ne sont pas obligés de vous écouter. Vous devez penser au lecteur. Il est fort probable que les sujets pointus qui vous intéressent n’intéressent que très peu vos lecteurs. Le défi est d’extraire un message pour le rendre intéressant en quelques phrases. »

Les émotions et le plaisir : l’art de la communication humaine

Sophie Malavoy déplore la vulgarisation qui est traitée sans émotion, car elle considère l’émotion comme la base pour rendre le lecteur réceptif : « Il s’agit de faire rêver les gens, pas de sensationnalisme. L’idée de susciter une émotion, est celle d’être un humain qui parle à un autre humain. Lorsque vous écoutez des chercheurs à la radio et que vous trouvez l’animateur sympathique, alors un contact se crée. Voilà l’art de la communication : créer un lien avec son public. »

À  titre d’exemple, madame Malavoy cite ses vulgarisateurs préférés : Boucar Diouf, un humoriste avant tout, mais qui sait donner place à l’émotion pour mettre en valeur un contenu scientifique, même s’il s’inscrit dans la performance. Elle nomme aussi Hubert Reeves et Luc-Alain Giraldeau. « Les bons communicateurs prennent plaisir à communiquer, et avec chaque rétroaction du public, ils s’améliorent. Pour bien communiquer, ça prend du temps, beaucoup de temps. Les chercheurs qu’on force à communiquer, qui n’y prennent pas plaisir, ne prendront pas ce temps. Ils ne prendront pas même le temps d’apprendre les bases de la vulgarisation scientifique, même s’ils enseignent et donnent des entrevues. »

« Il s’agit de faire rêver les gens, pas de sensationnalisme. L’idée de susciter une émotion, est celle d’être un humain qui parle à un autre humain. »

L’importance de former des chercheurs-communicateurs

« Dans les formations que je donne, les participants sont obligés d’être là : ils soupirent, ils trouvent cela difficile. Ah! Pensent-ils, c’est vrai, il faut communiquer au public, car ils paient nos recherches. » Or de l’avis de Sophie Malavoy, la vulgarisation scientifique est un art fantastique, qui demande beaucoup de créativité et de culture générale. À une époque où on ne croit plus ce qui est écrit; où les chercheurs préfèrent confier la tâche de rédaction à des journalistes; où de jeunes doctorants ne savent même plus pourquoi ils travaillent sur leur thèse, si celle-ci aura une quelconque portée à la fin, il est important de former des chercheurs-communicateurs. Il est important de défaire l’image du chercheur véhiculée comme le savant complexe qu’on ne peut comprendre.

« Il est impensable que les gens deviennent communicateurs sans qu’ils soient formés comme communicateurs. On devrait exiger dans toute maîtrise ou doctorat, et peut-être même au bac, au moins un cours obligatoire en vulgarisation. L’avantage de la vulgarisation, c’est d’accroître sa portée. » D’où l’importance de participer à des concours comme « Ma thèse en 180 secondes », les concours de l’AFCAS, la bourse Fernand-Séguin, les concours de Sciences 101, etc. Ce que Sophie Malavoy dit à propos des participants de « Ma thèse en 180 secondes » : « Tous sont gagnants, car ils apprennent la réalité : savoir accrocher l’intérêt des gens en quelques secondes. »

Une vision optimiste

« Je vois un réel intérêt de nos jeunes chercheurs pour la vulgarisation : ils voient moins cela comme une obligation, ils ont davantage envie de suivre des formations. De moins en moins de chercheurs se butent à dire que la vulgarisation ne fait pas partie de leur boulot. Également, beaucoup de gens s’expriment bien dans les médias et diffusent la recherche avec succès. C’est ce qu’il faut faire si vous voulez que votre recherche ait de l’importance. Cela fait partie du travail de chercheur. On ne peut plus être chercheur de nos jours si on est incapable de communiquer. » Parallèlement à ses projets au Cœur des Sciences de l’UQAM, Sophie Malavoy offre les formations d’un jour « Vulgarisation scientifique 101 et 201 » à l’Association des communicateurs scientifiques du Québec (ACS), pour des organisations diverses touchées par la recherche. Pour en savoir plus, consultez ce site web : http://www.formations.acs.qc.ca/2018/01/02/vulgarisation-scientifique-101/

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