Les règles douloureuses, un frein à l’émancipation féminine?

Wadlonde Louis

Étudiante au baccalauréat en communication

Les règles douloureuses, un frein à l’émancipation féminine?

Wadlonde Louis

Étudiante au baccalauréat en communication

« L’armée rouge est en ville » est l’une des expressions utilisées en 1900 au Québec par des femmes pour parler de leurs menstruations. Encore aujourd’hui, ce sujet et tout ce qui le concerne restent tabous. Par conséquent, la dysménorrhée, communément appelée les règles douloureuses, est souvent sous-estimée par les autres personnes, surtout du sexe masculin. Ce faisant, les femmes paient encore les pots cassés, alors qu’une grande majorité en souffrent et s’en trouvent presque piégées dans les milieux dans lesquelles elles évoluent.

Imaginez ! Vous êtes une jeune fille qui commencez à peine à s’habituer avec les transformations dans votre corps : des seins, des hanches qui se développent, des poils, un liquide rouge qui sort de votre partie intime. Vous avez aussi des douleurs au dos, des vomissements, des céphalées, de la diarrhée… chaque mois. Malgré tout, vous devez aller à l’école faire ce qui est demandé dans votre cours d’éducation physique, en plus de faire les devoirs, d’avoir une vie sociale, d’aller au travail …Tout ça, avec le sourire. En seriez-vous capable? Pourtant, c’est la réalité de plusieurs jeunes filles. 

En 2014, Pauline Vendé Blondel, une doctorante en médecine, a mené une étude auprès de 907 étudiantes âgées entre 14 et 19 ans. Alors que 87,5% d’entre elles ont déclaré souffrir de dysménorrhée au cours des 12 derniers mois précédents l’étude, 58,4% ont mentionné en souffrir presque chaque mois. Plusieurs prennent des médicaments pour les aider, mais seulement 13,1% dénotent un total soulagement.

Les menstruations ont toujours été considérées tabou, présentées comme « une source de souillure naturelle que les femmes doivent cacher ». Par conséquent, le sang doit être dissimulé. Il exige aussi des restrictions et ne doit pas être évoqué en public. Selon Marchand, une ethnologue, dans les années 1900, au Québec, ce sujet n’était pas traité avec les jeunes filles. Par conséquent, lorsqu’elles avaient leurs premières règles, elles étaient convaincues d’avoir contracté une maladie honteuse et étaient plutôt effrayées. En plus de cela, elles étaient plutôt encouragées à rester souriantes afin que personne ne s’aperçoive de leur état. Les Québécoises ne sont pas les seules à avoir vécu leurs premières règles dans l’ignorance. Les jeunes filles dans le Canada anglais, aux États-Unis et en France aussi. Certaines d’entre elles n’étaient tellement pas au courant, qu’elles faisaient n’importe quoi. Elles se plongeaient dans de l’eau glacée ou entouraient leur ventre avec des linges humides dans le but d’arrêter l’écoulement de sang. Même dans des milieux féminins tels que le couvent, elles étaient contraintes de « préserver le secret » de leurs règles. Cela pourrait donc expliquer le tabou qui règne encore autour de ce sujet dans le milieu familial et dans l’éducation et la conception que les règles douloureuses soient « un passage obligé » pour toutes les femmes. 

Souffrir en silence

Par définition, la dysménorrhée est attribuée aux douleurs ou aux crampes qui sont dans le bas du ventre ou dans le bas du dos, qui surviennent la veille ou pendant les règles. Une étude a révélé que parmi les jeunes filles dysménorrhéiques, 84% ont déclaré avoir une dysménorrhée modérée, c’est-à-dire que cela les empêche parfois de faire des activités sociales, intellectuelles et sportives. Toutefois, 4,9% d’entre elles ont dit avoir une dysménorrhée sévère, c’est-à-dire, les empêchant toujours de faire les activités. Cette maladie est souvent accompagnée de plusieurs signes tels que des vomissements, des diarrhées, des malaises, des pertes de connaissance, des céphalées et des douleurs intermenstruelles, qui sont des douleurs entre les règles. Cela cause l’absence d’environ 51,7% d’entre elles au secondaire, sans oublier la perturbation dans les activités de 80,5% parmi les adolescentes restantes.

 

Pour venir à bout de leur souffrance, plusieurs d’entre elles ont recours à des thérapies médicamenteuses telles que des anti-inflammatoires non stéroïdiens, de la contraception oestro-progestative et d’autres méthodes non médicamenteuses telles que la bouillotte et le repos. Les anti-inflammatoires et la contraception semblent être ce qui a le plus fonctionné parmi les médicaments pour les étudiantes de cette étude. 

La femme, discriminée malgré elle

En France, l’Institut français de l’opinion publique a mené une enquête en 2021 auprès de 1010 femmes âgées entre 15 et 49 ans, 33% ont déclaré avoir subi des moqueries ou des remarques désobligeantes de la part de plusieurs personnes telles que leur partenaire, d’un ami, d’un collègue de travail ou de la personne responsable. De plus, la douleur réelle est souvent sous-estimée par leurs amis masculins, leurs collègues ou la personne responsable. Près de 23% de femmes n’ont pas osé dire à leur responsable qu’elles étaient dans l’incapacité de travailler à cause de la douleur ou du flux abondant, par peur d’être jugées ou vues comme « un mauvais élément puisque [leur] situation revient à chaque mois. » Les femmes peuvent donc être vues comme étant fainéantes à cause de la dysménorrhée, ce qui les affecte directement ou indirectement dans le milieu professionnel.

 

Selon l’étude réalisée par Bœuf en 2020, certaines femmes disent avoir une plus grande flexibilité et plus d’autonomie dans leur travail. Par conséquent, elles peuvent se permettre de gérer leur productivité comme elles le peuvent lorsque leurs règles sont douloureuses. Cependant, pour d’autres, comme celles qui travaillent des milieux plus rigides comme le milieu de la santé, elles ne peuvent gérer cela que par la prise des anti-douleurs.

 

La contraception et les anti-inflammatoires sont les médicaments ayant porté le plus de fruits jusqu’à présent. Toutefois, plusieurs femmes refusent de les prendre de façon permanente pour plusieurs raisons qui leur sont propres. Le congé menstruel serait donc à considérer. Toutefois, à quel point ce congé jouera-t-il réellement en leur faveur?

Découvre l'autrice

Wadlonde Louis

Wadlonde est étudiante au baccalauréat en communication à l’Université de Sherbrooke. Elle aime écrire pour donner voix à des situations qu’elle ou quelqu’un d’autre pourrait vivre, et cela prend souvent la forme d’un poème ou d’un slam. Elle a sorti son premier recueil en 2020 intitulé « Je vaux plus, Tu l’as dit ! ». Elle aime lire, chanter, écouter de la musique et des podcasts.

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