Les champignons, ces êtres invisibles qui menacent notre santé

Aurore Lebourg

Étudiante au doctorat en immunologie et virologie

Les champignons, ces êtres invisibles qui menacent notre santé

Aurore Lebourg

Étudiante au doctorat en immunologie et virologie

Tout comme les infections par des virus, les champignons touchent chaque année des millions de personnes à travers le monde. Si dans la majorité des cas, ces infections se soignent, elles peuvent être mortelles pour les personnes ayant une santé fragile. Le réchauffement climatique et la résistance aux antifongiques participent à l’apparition de champignons encore plus dangereux pour l’humanité. Les organismes de santé sont de plus en plus inquiets, et considèrent qu’il est maintenant temps de mettre toutes les ressources possibles pour trouver une solution à ce problème.

Si je vous parle de champignon, j’imagine que la première chose qui vous vient à l’esprit est un aliment ou cette moisissure qui s’est développée dans votre boîte à lunch oubliée dans le réfrigérateur. Vous auriez raison sur certains points. Néanmoins, saviez-vous que les infections par des champignons sont responsables de la mort de plus de 1,5 million de personnes chaque année ? C’est pour cette raison que les organismes de santé les considèrent comme une menace de plus en plus inquiétante pour notre santé.  

En 2022, l’Organisation mondiale de la Santé a publié pour la première fois, un rapport expliquant en détail l’importance de surveiller et d’étudier de près les infections fongiques*. Ce rapport propose de classifier les champignons en fonction de leur priorité moyenne, élevée et critique. Au total, 19 champignons font partie de la liste des pathogènes* à étudier.  Dans le groupe critique se trouvent les champignons les plus dangereux pouvant conduire à la mort. Il est possible de citer, par exemple, Aspergillus fumigatus ou Candida albicans responsable d’infection pulmonaire et cérébrale respectivement.

Ces dernières années, un autre champignon de ce groupe critique suscite une vive inquiétude. Il s’agit du Candida auris : un champignon présent dans les hôpitaux. Il représente un défi de taille pour les médecins qui se trouvent impuissants à soigner les patients affectés. Les cas augmentent aux États-Unis, ce qui a conduit le centre de contrôle des maladies à déclarer un niveau sanitaire d’urgence. Des infections ont également été signalées dans certaines régions du Canada

L’évolution des champignons, le début des problèmes

Pour lutter contre ces infections, des traitements antifongiques ont été développés. Malheureusement, certains champignons commencent à être résistants à ces traitements . À force d’utiliser excessivement ces produits dans les domaines de l’agriculture ou la santé, les champignons évoluent. Ils deviennent alors de plus en plus difficiles à éliminer.

Cette résistance ne représente qu’une partie des problèmes. Avec le réchauffement climatique qui provoque des augmentations de température et d’humidité, la zone de développement des champignons ne fait que s’agrandir, tout comme le risque de nouvelle transmission aux humains. C’est ce qui pourrait expliquer la toute première infection des poumons d’un homme en Inde par le champignon Chondrostereum purpureum. Ce champignon ne fait pas partie de la liste des champignons dangereux. Cependant, il est normalement connu pour infecter uniquement les plantes et les arbres. Ces évolutions soulèvent donc de sérieuses questions sur l’apparition d’un champignon encore plus mortel.

Où se cachent-ils ?

Une personne tombe malade lorsqu’un champignon qui n’est normalement pas présent dans certaines parties du corps la contamine. Cela peut se produire en les touchant ou en les respirant, car vous ne le saviez peut-être pas, mais nous en respirons tous les jours par l’intermédiaire des spores. Les spores, de minuscules particules libérées par les champignons, leur permettent de se propager dans l’air et de se développer. Ils sont tellement petits qu’on ne peut pas les voir à l’œil nu. C’est pour cela qu’on les appelle des micromycètes*, pour « petits champignons ». Ils se trouvent dans nos aliments comme dans le fromage et dans des médicaments comme la pénicilline. Ils sont aussi présents dans notre corps comme dans l’intestin ou sur notre peau. Ces derniers sont essentiels pour que l’on soit en bonne santé.  Les micromycètes sont donc très importants dans notre vie quotidienne, à condition qu’ils ne nous causent pas de maladies. 

Quand les champignons s'installent dans notre corps

La grande majorité des infections fongiques sont des infections de surface, c’est-à-dire qu’elles touchent la peau, les cheveux ou les muqueuses comme la bouche ou le vagin. Ces contaminations sont les moins mortelles. Cependant, lorsqu’ils parviennent à traverser la peau et à atteindre le sang ainsi que d’autres organes, on parle alors d’infection profonde. Par exemple, Candida albicans, présent dans notre corps, contribue à notre bonne santé en protégeant notre système digestif. Cependant, il peut entraîner la mort s’il infecte des organes internes comme le cerveau ou le cœur. 

Pour des personnes en bonne santé, ces infections ne posent pas de problèmes. Lorsqu’elles sont infectées, leur système immunitaire* et les traitements les aident à lutter contre ces champignons. Ce n’est malheureusement pas le cas des personnes ayant des problèmes de santé. En effet, les personnes âgées, les enfants ou les personnes ayant une immunité plus faible sont plus disposés à développer les formes plus graves des maladies. 

Doit-on craindre une nouvelle pandémie ?

Pour l’instant, nous sommes bien loin du scénario du jeu vidéo et de la série The Last of Us, où une infection par un champignon transforme les humains en zombies. Avec l’augmentation des cas et l’émergence de nouvelles infections, une pandémie comme le COVID-19 ne doit pas être prise à la légère. Cela pourrait se produire plus rapidement que prévu si aucun changement n’est effectué. Aujourd’hui, la recherche sur les infections par des champignons ne représente que 1,5% de toutes les études sur les infections. Cela explique le manque de compréhension quant aux problèmes actuels et des diagnostics cliniques incorrects. L’Organisation mondiale de la Santé recommande d’améliorer le financement des recherches en laboratoire, la surveillance clinique des infections et les connaissances médicales pour des diagnostics, ainsi qu’une sensibilisation améliorée aux infections. En attendant ces améliorations, seul l’avenir nous dira si la prochaine pandémie sera causée par un champignon. 

Lexique

Infections fongiques : Les infections fongiques désignent toutes les infections causées par des champignons.

Pathogènes : Un agent pathogène est un micro-organisme, comme une bactérie ou un virus, qui peut causer des maladies chez les êtres vivants. Ces organismes nuisent à la santé en envahissant le corps et en provoquant des infections, entraînant des symptômes désagréables ou dangereux pour l’organisme infecté.

Micromycètes : Les micromycètes sont des champignons microscopiques de petite taille, mesurant généralement moins de 1mm. Ils se distinguent par leur dimension réduite, ce qui les différencie des champignons plus visibles à l’œil nu.

Système immunitaire : Le système immunitaire correspond à toutes les cellules de notre corps qui luttent contre les microbes et nous permettent de rester en bonne santé.

Découvre l'autrice

Aurore Lebourg

Aurore est étudiante au doctorat en virologie et immunologie à l’INRS, Centre Armand Frappier Santé Biotechnologie. Sa thèse s’intéresse à l’impact du parasite responsable de la toxoplasmose, sur la fonction biologiques des cellules après leurs infections. Elle est aussi la créatrice de la page de vulgarisation scientifique « leratdelaboratoire » sur instagram et facebook.

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