De récentes données empiriques suggèrent qu’un·e doctorant·e sur deux mettra un terme à ses études de troisième cycle au courant de son parcours. Face à des taux d’attrition si élevés, les chercheur·es se sont intéressé·es à comprendre l’expérience des études doctorales pour les étudiant·es, ainsi que les causes sous-jacentes pouvant expliquer la complétion ou l’abandon du doctorat. Deux grands facteurs sont ressortis du lot : l’anxiété et la dépression. En 2021, une équipe de recherche a réalisé une recension des écrits scientifiques et a identifié une prévalence du risque de dépression de l’ordre de 24 % et une prévalence du risque d’anxiété de 17 % chez les étudiant·es. Qui plus est, en 2018, une équipe de recherche américaine a réalisé une étude auprès d’étudiant·es à la maitrise et au doctorat en provenance d’universités internationales. Ces chercheur·e s suggèrent que les étudiant·es aux cycles supérieurs ont un risque six fois plus élevé de développer des signes et des symptômes de dépression et d’anxiété comparativement à la population générale. Pourtant, malgré ces statistiques alarmantes, l’anxiété et la dépression vécues par les étudiant·es au doctorat demeurent des phénomènes nébuleux, incompris et tabous.
Lorsque les catalyseurs de stress s’invitent dans le parcours doctoral
Un consensus au sein de la littérature scientifique identifie trois grandes sources de stress pouvant mener à l’apparition de signes et de symptômes de dépression et d’anxiété : la relation néfaste entre étudiant·e et directeur·trice de recherche, la charge de travail élevée, et le déséquilibre entre les études et la vie personnelle. Une relation néfaste entre étudiant·e et directeur·trice de recherche se manifeste par un manque de communication entre les deux parties et une absence de soutien et d’accompagnement ressenti par l’étudiant·e. Selon de récentes études, une relation néfaste avec son·sa directeur·trice de recherche amène l’étudiant·e à se sentir délaissé·e et sans repères.
La grande charge de travail soulevée par certain·es étudiant·es au doctorat relève de l’accumulation de tâches, d’activités de recherche et d’enseignement à leur actif. En effet, deux scientifiques mettent en lumière le large éventail de pressions pesant sur les épaules des étudiant·es au doctorat, incluant entre autres les pressions financière, par les pairs, de publication, de performance et de compétition. Pour certain·es étudiant·es, ces pressions constantes dérivent vers un cumul démesuré d’engagements académiques, les amenant à se sentir submergé·es.
L’équilibre entre les études et la vie personnelle est fortement associé avec le sentiment de bien-être, l’humeur positive, et le sentiment d’épanouissement personnel. De la même façon, des liens significatifs ont aussi été identifiés entre un déséquilibre études/vie privée ainsi qu’une augmentation du stress ressenti et une humeur négative. Qui plus est, la somme d’une grande charge de travail et d’un manque de temps pour soi entraîne un sentiment de vide et un manque de réalisation personnelle.
A + B = C… l’envers de l’équation
Relation néfaste + charge de travail élevée + déséquilibre études/vie privée = anxiété et dépression. Oui, mais… quels sont les mécanismes intermédiaires qui expliquent, en partie, l’apparition de signes et symptômes de dépression et d’anxiété chez les étudiant·es au doctorat? Voilà la question à mille dollars à laquelle certains chercheur·es ont voulu trouver une réponse. Eurêka! Ils·elles sont parvenu·es à mettre deux mécanismes intermédiaires de l’avant : la capacité d’adaptation et le sentiment d’efficacité personnelle. Plus spécifiquement, les chercheur·es suggèrent qu’à travers leur parcours doctoral, les étudiant·es seront exposé·es à une gamme de sources de stress en termes de quantité et d’intensité, ce qui déclencherait certains mécanismes réactionnels (p. ex,. se sentir dépassé.e émotionnellement).
La capacité d’adaptation (coping mechanism) des doctorant.es réfère à leur habileté à gérer le stress, s’adapter aux imprévus, et à maintenir une santé mentale et physique positive. Lorsque les sources de stress s’accumulent et que la capacité d’adaptation défaillit, certain·es doctorant·es éprouvent un sentiment de surcharge émotionnelle, une déconnexion et un essoufflement. À moyen et à long terme, ces sentiments pourraient se transformer en dépression et en anxiété.
Le sentiment d’efficacité personnelle est un sentiment d’accomplissement, d’atteinte de ses objectifs et de fierté vécue par les étudiant·es au doctorat. Pourtant, lorsque certain·es doctorant·es sentent qu’ils·elles pagaient à contre-courant devant une charge de travail et une charge émotionnelle insurmontables, le sentiment d’efficacité s’inverse et se transforme en sentiment de non-efficacité. Cette prise de conscience apporte à son tour des émotions de vide et d’absence de réalisation personnelle qui peuvent éteindre la flamme du·de la doctorant·e, et ainsi s’en suivent les signes de dépression et d’anxiété.
Un marathon pour le corps, l’esprit, et l’âme
Face à l’ampleur du problème, la communauté scientifique s’est retroussé les manches et quelques essais cliniques randomisés ont permis de tester des interventions visant à prévenir l’anxiété et la dépression chez les doctorant·es, tout en favorisant le bien-être physique, psychosocial et émotionnel. Des interventions axées sur la pleine conscience, la relaxation et la pensée réflexive ont montré des effets significatifs sur la diminution des risques de dépression et d’anxiété, ainsi qu’une augmentation du sentiment d’espoir, d’efficacité personnelle, et de résilience chez les étudiant·es au doctorat. Qui sait, « corps, esprit, et âme » deviendra-t’il le futur mantra vers la réussite?
Découvre les auteurs et autrices
Li-Anne Audet
Li-Anne Audet est étudiante au doctorat en sciences infirmières à l’Université McGill. Ses travaux de recherche portent sur la pratique infirmière avancée, les résultats chez les patients et les méthodes quantitatives multivariées. Passionnée de recherche à temps plein et trésorière pour Bistrobrain à temps partiel, elle adore la nature, les gin-tonics et les chats #catlady.
Marjorie Côté
Marjorie Côté est étudiante au baccalauréat en neuroscience cognitive, cheminement en neuropsychologie, à l’Université de Montréal. Conjointement à sa vie d’étudiante montréalaise, elle enseigne des formations axées sur le bien-être numérique en collaboration avec la fondation le C.I.E.L. et est responsable aux communications pour l’organise Bistrobrain. Enfin, elle apprécie la lecture, la peinture et est une excellente photographe.
Julie Douchin
Julie Douchin est étudiante au doctorat en biologie cellulaire et s’intéresse au cancer de l'oesophage. Elle est également très impliquée dans la communauté universitaire comme présidente du RECMUS et dans la communauté citoyenne via son rôle chez Bistrobrain. Dans ses temps libres, Julie est une fan de chant et de sport.
Alexis Thibault
Alexis Thibault est étudiant à la maîtrise recherche en sciences de la santé à l’Université de Sherbrooke et directeur général de l’organisme de vulgarisation scientifique BistroBrain. Ses intérêts de recherche sont axés sur la schizophrénie, l’activité physique et la santé mentale. Dans sa vie personnelle, Alexis aime rencontrer de nouvelles personnes, prendre des bains polaires et chanter I Want It That Way des Backstreet Boys.