Le cerveau, une machine à conditionner

Marguerite Martel

Étudiante du programme de 2ème cycle en présence attentive

Le cerveau, une machine à conditionner

Marguerite Martel

Étudiante du programme de 2ème cycle en présence attentive

Avec l’arrivée de la pandémie au Québec, certaines difficultés en santé mentale ont été exacerbées chez la population. La mise en place de ressources favorisant la santé mentale constitue un enjeu des plus actuels. Le neurofeedback pourrait bien être l’une de ces ressources. En effet, la recherche montre qu’il s'agirait d’un outil efficace afin d’améliorer la qualité de vie des individus, et ce, par la diminution de certains symptômes intériorisés, tels que l’anxiété et la dépression.

Nous sommes le 13 mars 2020, le Gouvernement déclare l’état d’urgence sanitaire dans tout le territoire québécois. Face à cette annonce imprévisible, tout à fait hors de notre contrôle et qui implique beaucoup de nouveautés, la population québécoise s’est retrouvée devant une concoction idéale pour générer des niveaux de stress élevés. En effet, selon une enquête réalisée par Statistique Canada, 64 % des jeunes de 15 à 24 ans ayant répondu au sondage ont mentionné que la situation de la Covid-19 avait une incidence négative sur leur santé psychologique. De ces jeunes, 41 % ont déclaré des « symptômes correspondant à une anxiété modérée ou sévère ».

Devant ces données alarmantes concernant la santé mentale des jeunes, des solutions permettant d’améliorer la qualité de vie sont plus que nécessaires. Le neurofeedback serait susceptible de répondre à cet objectif en présentant un outil alternatif à ceux déjà disponibles. En effet, le neurofeedback, un processus non invasif basé sur de la rétroaction continue, permettrait de diminuer les symptômes d’anxiété et de dépression.

Un outil pas comme les autres

S’inspirant d’une découverte réalisée au cours du XXe siècle que l’on appelle « conditionnement opérant », le neurofeedback utilise les récompenses, tant positives que négatives, pour amener le cerveau à comprendre comment il peut se réguler par lui-même.

Pour soulager les symptômes anxieux et dépressifs, le neurofeedback s’appuie sur l’évaluation de l’activité cérébrale au moyen d’un électroencéphalogramme, c’est-à-dire un examen en temps réel de l’activité du cerveau. Cet examen permet d’illustrer les zones cérébrales* présentant des anomalies ou des tendances anormales à reconditionner. Pour une personne souffrant de symptômes anxieux ou dépressifs, l’électroencéphalogramme serait susceptible d’illustrer un excès d’ondes cérébrales du type « alpha » ou de type « haut bêta ». Ainsi, le protocole créé pour l’individu, pouvant être comparé à un plan d’entrainement pour le cerveau, ciblerait spécifiquement ces ondes. Le cerveau sera donc amené, au moyen d’une boucle continuelle de rétroaction, à activer ou à inhiber les ondes cérébrales ciblées et ainsi reconnaitre les fréquences adéquates. Il est possible de comparer les ondes cérébrales aux vagues de l’océan qui ont des rythmes et des amplitudes différents. En effet, alors que certaines ondes cérébrales sont plus grandes et lentes, d’autres sont plus petites et saccadées. Dans le cas d’un cerveau dit « typique », les ondes alpha, principalement responsables de l’état neutre, sont situées à une fréquence entre 8 et 12 Hertz. Les ondes bêta, responsables entres autres de l’activation, se retrouvent à une fréquence entre 13 et 30 Hertz.

Choisir judicieusement!

Que l’on veuille être plus musclé ou courir un marathon, la clé est l’entrainement. Il n’y a pas de recette magique. Ce principe s’applique également au neurofeedback. Cependant, avant de se laisser emporter par une nouvelle tendance en santé mentale, il demeure primordial de s’assurer que les interventions sollicitées soient réalisées par des personnes qualifiées qui présenteront toute l’information nécessaire à la réalisation d’un consentement éclairé. Les recherches ont d’ailleurs montré que l’efficacité de cet outil, lorsqu’utilisé de la bonne façon et offert par des personnes certifiées, présente un taux de succès dit « efficace », variable d’un individu à un autre.

Processus conscient ou inconscient?

Un aspect alléchant de la technique du neurofeedback est que l’individu n’a pas besoin de fournir des efforts conscients pour que son cerveau réponde au protocole. En effet, le conditionnement se fait de manière automatique. Le cerveau peut être vu comme étant une machine cherchant continuellement à s’adapter et à reproduire ce qui est plaisant. Ainsi, lorsque ça devient désagréable, le cerveau désire reprendre le chemin lui offrant confort et aisance. De cette façon, la zone cérébrale est renforcée de manière répétée de sorte que des résultats positifs et durables puissent être remarqués.

Inattention, insomnie et plus encore

Bien que l’efficacité du neurofeedback a été suggérée sur différents plans, les études ont surtout ciblé les effets de cette pratique sur le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité. Il semblerait que celle-ci puisse diminuer les symptômes comportementaux observables de l’inattention tels qu’une difficulté à se mettre à la tâche ou à rester attentif à la tâche demandée. De plus, il est suggéré que cet outil permettrait une amélioration du sommeil en augmentant la qualité du sommeil. Cet outil s’est également démarqué pour son efficacité dans le soulagement de certains symptômes du syndrome de stress post-traumatique tel que la régulation émotionnelle.

Une mine d’or à exploiter

Le scénario actuel au Québec concernant la place qu’occupe le neurofeedback n’est pas le même que celui des États-Unis. En effet, nos voisins du sud sont beaucoup plus avancés en termes d’implantation et d’exploitation de cette technique. Ceci pourrait être attribuable au fait que la formation reconnue et standardisée pour former du personnel qualifié en neurofeedback est donnée par l’alliance de Certification en Biofeedback (BCIA) située au Colorado aux États-Unis. Toutes les nouvelles formations doivent être accréditées par la BCIA. Tel est le cas de la formation offerte par l’institut Neurosens. De plus, l’Ordre des psychologues du Québec n’a reconnu la formation de Neurosens qu’en 2017, pouvant également expliquer pourquoi l’outil est moins connu au Québec.

Toutefois, il semble que l’intégration du neurofeedback pourrait être un atout considérable tant pour les milieux hospitaliers, psychiatriques que scolaires. Comme la santé psychologique des Québécois et Québécoises ne semble pas, à l’heure actuelle, rebondir aussi facilement à la suite de deux années de pandémie, d’autres solutions pour atteindre notre plein potentiel sont nécessaires et ce, plus que jamais!

Lexique

 *Zones cérébrales : des parties du cerveau, par exemple, le cortex frontal.

Découvre l'autrice

Marguerite Martel

Marguerite Martel est bachelière en psychologie et finissante du programme court de 2ème cycle en présence attentive. Elle travaille actuellement en recherche auprès de populations vulnérables et s’implique dans divers projets communautaires ayant à cœur la santé mentale de l’humain.

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2 Comments

  1. François Lespinasse dit :

    Je ne suis pas d’accord que le cerveau est une machine. Même si cela est une analogie dans le but de vulgariser l’idée selon laquelle nous pouvons modéliser son activité et l’interfacer avec des outils computationnels, la nature biologique de cet organe ne doit pas être confondue avec la logique implémentée dans les ordinateurs par les humains. Il est aussi dangereux de tracer cette analogie que de considérer la présence attentive comme une panacée.

    Je dis ça parce que je suis issu du même programme que l’autrice et que je complète actuellement une maîtrise en psychologie sur le sujet des méthodes computationnelles pour modéliser des états cérébraux.

    Communiqué avec moi STP, Marguerite! 🫶
    François Lespinasse

    • Marguerite Martel dit :

      Bonjour François, merci d’avoir pris le temps de lire l’article et d’offrir votre point de vue permettant d’ouvrir la discussion!

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