L’acceptation des émotions est au cœur du bien-être

Éva Lefebvre

Étudiante libre aux cycles supérieurs

Catherine Cimon-Paquet

Candidate au doctorat en psychologie

L’acceptation des émotions est au cœur du bien-être

Éva Lefebvre

Étudiante libre aux cycles supérieurs

Catherine Cimon-Paquet

Candidate au doctorat en psychologie

Plusieurs personnes croient que les émotions agréables sont souhaitables et que les émotions désagréables sont néfastes. Cependant, les émotions désagréables sont essentielles à la santé mentale et peuvent agir comme une boussole qui aide à orienter leurs actions. La quête intensive du bonheur et des émotions agréables peut mener à une diminution du bien-être psychologique. De récentes études suggèrent plutôt que l’acceptation de toutes les émotions, agréables ou désagréables, pourrait constituer une voie vers le bien-être.

Charlie décide de rencontrer son patron afin de négocier et d’améliorer ses conditions de travail. Elle sait que cette situation provoquera des émotions désagréables telles que la colère et la tristesse, mais que cette discussion est importante pour son avenir. En se préparant, des proches lui disent que « tout va bien aller » et qu’elle doit s’efforcer d’exprimer des émotions agréables comme de la sérénité ou de la joie durant la rencontre.

Toutefois, plusieurs études scientifiques suggèrent que dans ce type de situation, les émotions agréables et désagréables doivent pouvoir coexister puisqu’elles ont différentes fonctions. En effet, les émotions désagréables sont parfois souhaitables, notamment lorsqu’elles nous permettent de cheminer vers nos buts. Certaines stratégies visant à réduire l’ampleur des émotions désagréables pourraient nuire à Charlie lors de ses négociations.

Privilégier l’acceptation des émotions

Les personnes qui acceptent leurs émotions réagissent moins fortement lorsqu’elles les vivent et ainsi, leurs émotions désagréables sont passagères et de plus courte durée. L’acceptation permet d’atténuer l’émotion et de laisser place à un autre état émotionnel plutôt que de l’intensifier en la jugeant ou en l’invalidant. De ce fait, accepter le registre complet d’émotions humaines augmenterait également le bien-être psychologique.

L’acceptation des émotions n’est pas synonyme de résignation et d’acceptation de la situation. Au contraire, accepter la présence d’émotions désagréables peut devenir un moteur de changement puisque l’acceptation permet de les utiliser pour atteindre des objectifs. Par exemple, la colère de Charlie peut l’aider à négocier ses conditions de travail en l’aidant à mettre de l’avant son indignation auprès de son patron. En ce sens, vivre des émotions désagréables dans un contexte où elles s’avèrent utiles est associé à un plus grand bien-être en général. L’acceptation des émotions est une stratégie de régulation des émotions en soi. Toutefois, l’intention n’est pas de fixer un but relié à une émotion souhaitable comme de souhaiter ressentir de la joie lorsque l’émotion vécue est de la tristesse. En effet, alors que certaines stratégies sont utilisées dans le but de se sentir mieux, le but de l’acceptation des émotions est de s’abandonner à l’émotion et de la vivre, plutôt que d’essayer de la transformer volontairement ou de la contrôler.

Le paradoxe de la poursuite du bonheur

Les émotions agréables ont de nombreux bienfaits sur la santé mentale, car elles permettent de considérer plus de possibilités, d’élargir notre perspective sur une situation et même de favoriser la résilience. Toutefois, les personnes qui seraient intensément en quête du bonheur vivraient plus de métaémotions* comme se sentir coupable de ressentir de la colère ou trop peu de joie. Par ailleurs, l’utilisation d’une stratégie de régulation émotionnelle pour enrayer une émotion désagréable ressentie, qui serait toutefois en cohérence avec les valeurs et l’identité d’une personne, pourrait diminuer le sentiment d’authenticité, laissant place à des métaémotions.

Lorsque les personnes croient que les émotions agréables sont bonnes et que les émotions désagréables sont mauvaises, elles ont tendance à utiliser des stratégies visant à contrôler de manière excessive leurs émotions, ce qui peut devenir néfaste pour leur santé mentale. Les types de stratégies utilisés sont entre autres la suppression émotionnelle et la réévaluation cognitive. La première est généralement considérée comme nuisible, car elle consiste à ignorer ses émotions. La seconde implique de repenser à une situation passée, mais de l’envisager avec une nouvelle perspective afin de se sentir mieux, ce qui entraine généralement plusieurs bienfaits sur la santé mentale. Par contre, des scientifiques remettent en question l’aura positive accordée à la réévaluation cognitive puisque plusieurs personnes peuvent avoir de la difficulté à la mettre en pratique et qu’elle peut être inappropriée dans certains contextes.

Contrôler ses émotions désagréables a un coût

Il y a des situations où il est préférable de s’appuyer sur ses émotions désagréables afin d’orienter ses actions, plutôt que de les repenser. Les émotions désagréables peuvent indiquer qu’il est nécessaire d’effectuer des changements ou des actions, par exemple lorsqu’une situation s’avère problématique. Elles peuvent même devenir une source de motivation et d’énergie vers l’atteinte d’un but. Dans une situation menaçante pour la santé individuelle et collective, la peur peut motiver les personnes à adopter des comportements favorisant leur santé. Au niveau individuel, il est possible de penser aux agressions en contextes conjugaux ou de racisme, où la réévaluation cognitive de la peur peut être délétère pour la santé mentale et physique. Dans une situation où la santé collective est menacée comme dans le cas d’une pandémie, le fait de reconsidérer la peur peut réduire la motivation d’adopter des comportements de santé qui peuvent protéger la communauté. En effet, puisque la peur est amoindrie, les individus peuvent être, par exemple, moins motivés à se laver les mains fréquemment pour prévenir la propagation d’un virus.

Dans certains contextes, minimiser les impacts de la situation peut encourager les personnes à rester dans des situations problématiques et dangereuses. Les exemples mentionnés, ainsi que celui de Charlie, qui peut utiliser sa colère pour mieux négocier ses conditions de travail, montrent que les émotions négatives sont essentielles afin de fonctionner et de vivre en communauté. La réévaluation cognitive étant inadéquate dans certains contextes, l’acceptation des émotions s’avère une solution intéressante.

Accepter les émotions pour favoriser le bien-être individuel et collectif

Toutes nos émotions, qu’elles soient agréables ou désagréables, sont valides et ont une fonction adaptative. En les acceptant, il est possible de découvrir une voie prometteuse afin d’augmenter le bien-être individuel, mais aussi collectif. En résumé, « les émotions sont tout comme des tunnels. Il faut traverser l’obscurité pour arriver à voir la lumière ».

Lexique

*Métaémotion : Une métaémotion est une émotion ou une pensée reliée à d’autres émotions vécues simultanément.

Découvre les autrices

Eva Lefebvre

Eva est une étudiante libre aux cycles supérieurs et elle a un grand intérêt pour tous les sujets liés au bien-être et à la santé, ainsi que pour les relations interpersonnelles. Elle est une adepte de l'activité physique et de la méditation, et elle aime beaucoup la nature et faire de la randonnée.

Catherine Cimon-Paquet

Catherine est candidate au doctorat en psychologie à l’UQAM et s’intéresse principalement aux relations interpersonnelles, au sommeil et au développement humain. Outre ses études, Catherine apprécie particulièrement courir, faire du yoga et méditer.

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2 Comments

  1. Bonjour Éva et Catherine,

    Cela fait plus de 38 ans que je travaille sur la gestion des émotions et 17 ans professionnellement.

    Je m’aligne sur votre article.

    L’émotion est un moyen de communication non verbal qui se manifeste également par l’expression comportementale.

    Comme je le dis dans un article, ‘

    ‘La solution est au coeur de l’émotion’

    Cependant, notre société nous apprend à ne pas comprendre nos ressentis. elle nous propose des tas de solution qui ne demandent pas d’implication, pas d’effort. Des remèdes ‘miracles’ qui affaiblissent notre implication dans la construction de NOTRE vie; un médicament par-ci, un autre par-là. Une cure, une machine…

    Je suis intervenu durant sept ans en psychiatrie et pédo-psychiatrie.
    J’y ai vu le traitement des états émotionnel par des tueurs de ressenti.
    J’y ai constaté que ces traitements éteignaient toute envie de construire des objectifs.
    Incapable de ressentir ce que des choix de vie pouvaient produire en eux.
    Leurs directions se résumaient à des:
    ‘ je veux être bien’
    ‘je veux être heureux’

    Et pour ça tu as besoin de quoi?
    En réponse, le vide, car la capacité à imaginer et associer des émotions n’est plus en fonction. C’est débranché, désactivé car jugé inadapté à la société.
    Leur comportement a été jugé et condamné, inapte!

    Et plutôt que de les aider à comprendre et à apprendre d’autres expressions émotionnelles adaptées, on les bourre de doses calmantes, rassurantes pour les autres.

    Lorsque j’ai eu un accident de moto, j’ai été envoyé vers un centre de rééducation.
    À quand les centre de rééducation émotionnelle?

    Le ‘tu ne dois pas’ au lieu du ‘pourquoi ressens-tu cela?’ fait du monde émotionnel un domaine prohibé!

    Notre société produit des handicapés émotionnels.
    Elle passe son temps à produire des émotions et les dirigent vers des surcharges émotionnelles.

    Ceux qui vivent leurs émotions sereinement, même celles que l’on appelle les négatives, savent ce dont ils ont besoin; les autres ont besoin qu’on les guident vers des exutoires car ils sont aveuglés. L’intensité émotionnelle n’est plus gérable.

    Je le vois tous les jours , ceux qui acceptent, comprennent et apprennent se libèrent des prisons émotionnelles qui sont à l’origine de comportements inadaptés voire destructeurs.

    Il y a beaucoup à dire, à écrire sur le sujet.

    Merci, Éva et Catherine pour votre article clair et précis.

    Thierry K – coach bienveillant TiKa.

    • Catherine Cimon-Paquet dit :

      Merci d’avoir pris le temps de lire notre article et d’y laisser un commentaire! Effectivement, il y a beaucoup d’écrits sur les émotions et un travail collectif à faire pour les accepter comme société!

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