La passion harmonieuse à la rescousse des étudiant.e.s

Virginie Paquette

Étudiante au doctorat en psychologie sociale

La passion harmonieuse à la rescousse des étudiant.e.s

Virginie Paquette

Étudiante au doctorat en psychologie sociale

Les étudiant.e.s ayant une passion harmonieuse vivent des émotions positives dans leurs études qui, à leur tour, mènent à de la résilience face au stress rencontré. Les étudiant.e.s ayant une passion obsessive, quant à eux.elles, vivent des émotions positives et négatives de sorte qu’il.elle.s sont partiellement résilient.e.s dans leurs études et dans leur vie en général. En effet, leurs émotions positives favorisent la résilience tandis que leurs émotions négatives y nuisent.

 Un sondage mené par des chercheuses de l’UQAC auprès de 2754 étudiant.e.s et employé.e.s universitaires montre que la pandémie est une source de stress non négligeable pour les étudiant.e.s1. Le taux de détresse auprès de cette population est de 60 % et se traduit par des baisses de motivation et de concentration ainsi que des symptômes dépressifs et anxieux. Par exemple, comme plusieurs étudiant.e.s, Caroline, nouvellement admise au baccalauréat en psychologie, ressent de l’anxiété et du stress causés par les multiples rencontres Zoom, les cours à distance et l’isolement. Face à une telle situation stressante, quels sont les facteurs qui favoriseraient la résilience chez Caroline pendant ses études ou qui, au contraire, y nuiraient?

Émotions et résilience

La résilience se définit comme une adaptation positive face à l’adversité (p. ex. la maladie, une perte d’emploi, un échec dans un cours)2. Par ailleurs, les émotions positives favorisent la résilience. En effet, un individu vivant des émotions positives s’ouvre à son environnement et expérimente3,4, ce qui lui permet d’élargir son répertoire d’habiletés individuelles et de se construire de nouvelles ressources personnelles (p. ex. la pleine conscience4,5,6, des stratégies d’adaptation7,8). Ces ressources lui permettent par la suite d’être résilient.e face à l’adversité, et même d’en ressortir plus fort.e9. En outre, les ressources nouvellement créées, comme la pleine conscience (c.-à-d. l’acceptation sans jugement de ses pensées et de ses sentiments), peuvent elles-mêmes engendrer des émotions positives. À leur tour, celles-ci mènent à nouveau à de la résilience, entraînant un effet en chaîne où émotions positives et ressources personnelles s’influencent mutuellement et favorisent la résilience.

D’autre part, les émotions positives favorisent également la résilience par leur « undoing effect »3, c’est-à-dire qu’elles protègent l’individu des conséquences délétères des émotions négatives10 et du stress11.

Le modèle dualiste de la passion

Les individus passionnés sont ceux qui investissent beaucoup de temps et d’énergie dans une activité qu’il.elle.s aiment, qu’il.elle.s considèrent importante et qui fait partie de leur identité. Il.elle.s peuvent être considéré.e.s comme résilient.e.s lorsqu’il.elle.s font face aux obstacles dans la pratique de leur activité, mais il.elle.s peuvent aussi souffrir psychologiquement s’il.elle.s sont incapables de trouver un équilibre entre leur passion et les autres sphères de leur vie. Il y a donc un paradoxe.

Pour mieux comprendre ce dernier, le modèle dualiste de la passion (MDP)12,13 présente deux types de passion : harmonieuse et obsessive. La passion harmonieuse fait référence à un engagement flexible dans une activité favorite. Cette flexibilité permet le maintien d’un équilibre entre cette activité et les autres aspects de sa vie. Par exemple, si Caroline est passionnée harmonieusement par ses études, elle pourrait arrêter d’étudier le vendredi soir pour sortir avec ses amis. La passion obsessive, quant à elle, fait référence à un engagement incontrôlable et rigide pouvant entrer en conflit avec les autres sphères de la vie de l’individu. Par exemple, si Caroline a une passion obsessive envers ses études, elle pourrait éprouver de la difficulté à arrêter d’étudier, ou encore ruminer en pensant à ses études pendant sa soirée avec ses amis.

Les recherches montrent que la passion harmonieuse mène à des émotions positives pendant et après l’engagement dans l’activité passionnante. Quant à elle, la passion obsessive, par les conflits qu’elle engendre, mène à des émotions négatives et, plus rarement, à des émotions positives14,15,16,17.

Passion, émotions et résilience

Sachant que la passion et les émotions jouent un rôle dans la résilience, le Laboratoire de recherche sur le comportement social (LRCS) a mené deux études auprès d’étudiant.e.s de l’UQAM18 afin d’examiner l’influence de ces facteurs dans la résilience face au stress associé aux études. La première étude a été conduite avant la fin de session et la deuxième, avant et après la fin de session, soit une situation stressante en lien avec la passion des étudiant.e.s pour leurs études. Les étudiant.e.s recruté.e.s ont rempli un questionnaire mesurant leur passion pour leurs études, leurs émotions ainsi que des indicateurs de la résilience dans leurs études (p. ex. la satisfaction et la performance dans leurs études) et dans leur vie en général (p. ex. la perception d’une vie réussie). Les résultats de ces recherches montrent que face à cette situation stressante, la passion harmonieuse amène l’étudiant.e à vivre des émotions positives. À leur tour, les émotions positives entraînent une résilience totale dans les études et dans la vie en général. Cette résilience s’observe par une augmentation de la satisfaction et de la performance dans les études ainsi que la perception d’avoir réussi sa vie. La passion obsessive, quant à elle, amène l’étudiant.e à vivre des émotions positives et négatives face à la situation stressante. À leur tour, ces émotions entraînent une résilience partielle dans les études et dans la vie en général. Alors que la passion obsessive permet une certaine résilience par le biais des émotions positives, elle y nuit également en raison des émotions négatives qu’elle engendre. En effet, les étudiant.e.s passionné.e.s obsessif.ve.s indiquent se sentir moins satisfait.e.s et performant.e.s dans leurs études et avoir moins l’impression que leur vie est réussie en général.

Favoriser la passion harmonieuse

Un.e étudiant.e comme Caroline aurait tout avantage à développer une passion harmonieuse pour ses études et, ainsi, à favoriser l’expérience d’émotions positives. Face à des situations stressantes telles que la pandémie, cet.te étudiant.e en ressortirait plus fort.e autant dans ses études que dans sa vie en général. Une question se pose alors : comment pourrait-il.elle développer ce type de passion? La recherche sur les déterminants de la passion est encore jeune. Toutefois, l’une des voies proposées afin de développer une passion harmonieuse est de favoriser un engagement autonome19 (p. ex. étudier parce que nous trouvons la matière intéressante et utile20) plutôt qu’un engagement encouragé par des pressions externes (p. ex. celle de faire plaisir à ses parents, d’avoir de bonnes notes).

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