Une sexualité pas si parfaite !

Noémie Viens (elle)

Étudiante au doctorat en psychologie, profil recherche et intervention

Une sexualité pas si parfaite !

Noémie Viens (elle)

Étudiante au doctorat en psychologie, profil recherche et intervention

Et si le perfectionnisme s’invitait dans l’intimité? En effet, cette tendance à vouloir toujours viser plus haut pourrait influencer la vie sexuelle des couples. Notamment, lorsqu’un individu pense que les autres attendent de lui la perfection, celui-ci tend à rapporter davantage de difficultés sexuelles. Ces difficultés se traduisent souvent par des sentiments désagréables entourant sa sexualité, ainsi qu’une incapacité à atteindre de manière satisfaisante les différents stades de la réponse sexuelle*.

Imaginez! Sacha et Alex décident de consulter une sexologue pour des problèmes au sein de leur vie sexuelle. Sacha prend peu de plaisir lors des relations sexuelles, qui sont perçues comme sources de tensions et de préoccupations, plutôt qu’un moment intime et agréable. Lors de l’acte sexuel, Sacha a tendance à critiquer l’apparence de son corps ainsi que ses performances. Sacha a l’impression de ne jamais être suffisamment à la hauteur pour Alex et craint de le·la décevoir en n’étant pas un·e partenaire sexuel·le idéal·e. Ces pensées et ces sentiments sont tellement envahissants que Sacha a du mal à se sentir sexuellement excité·e et à atteindre l’orgasme lors des activités sexuelles.  

 

Sacha présente un perfectionnisme socialement prescrit. Ce type de perfectionnisme est lié à plus de difficultés sexuelles chez les individus en couple. En effet, les personnes qui perçoivent des attentes élevées de leur entourage, voire de la société, rapportent souvent plus de détresse sexuelle et une fonction sexuelle réduite. Chez Sacha, la détresse sexuelle se présente par des sentiments désagréables en lien avec sa sexualité, comme le fait de se sentir préoccupé·e ou inadéquat·ePour d’autres, ces sentiments peuvent inclure l’anxiété, l’embarras ou la frustration. Par ailleurs, une faible fonction sexuelle représente une difficulté à atteindre les différents stades de la réponse sexuelle, tels que le désir sexuel*, l’excitation sexuelle* ou l’orgasme. En ce sens, la fonction sexuelle peut être comparée à la symphonie d’un orchestre musical. Le désir sexuel représente les premières notes qui annoncent le début de l’orchestre. L’excitation sexuelle est le crescendo, où l’intensité de la musique augmente en puissance. Puis, l’orgasme symbolise l’apogée, ou plutôt, la grande finale. Si les musiciens et musiciennes perdent leur rythme ou si le violon est mal accordé, on ne parvient pas à offrir une mélodie harmonieuse. De même, une perturbation dans l’une de ces étapes peut rendre l’activité sexuelle avec un partenaire insatisfaisante.

Le perfectionnisme dans la chambre à coucher

L’expérience de Sacha peut être expliquée à l’aide du « modèle cognitivo-affectif des dysfonctions sexuelles » qui met en lumière comment la pression sociale à être parfait peut générer des pensées et des émotions désagréables, susceptibles de nuire à l’expérience sexuelle. Sacha est tellement préoccupé·e par l’idée de ne pas être à la hauteur ou de décevoir Alex qu’iel n’arrive pas à se détendre et profiter du moment. En d’autres mots, ces préoccupations envahissantes l’empêchent de se concentrer sur les sensations agréables de l’expérience sexuelle. Par conséquent, lorsque la peur de l’échec et les émotions désagréables prennent le dessus, celles-ci peuvent générer de la détresse sexuelle chez un individu. Dès lors, la fonction sexuelle peut en être affectée, comme c’est le cas pour Sacha, qui rapporte avoir de la difficulté à être sexuellement excité·e et à atteindre l’orgasme lors des rapports sexuels avec Alex.  

 

Or, le perfectionnisme se présente également sous d’autres formes. Lorsque les exigences perfectionnistes sont dirigées vers une autre personne, aussi appelé le perfectionnisme orienté vers l’autre, la sexualité de l’individu demeure inchangée dans certains cas, ou négativement impactée dans d’autres. D’un autre côté, lorsque les exigences perfectionnistes sont dirigées vers soi-même, aussi appelé le perfectionnisme orienté vers soi, les résultats des études sont contradictoires. Certains n’observent aucun effet sur la sexualité de la personne, tandis que d’autres observent parfois des effets positifs et parfois des effets négatifsEnfin, bien que quasi-inexistantes, les études qui ont exploré la sexualité d’une personne lorsque son ou sa partenaire présente des traits perfectionnistes montrent généralement très peu d’effets, dont la plupart s’avèrent négatifs. En d’autres mots, le perfectionnisme, sous toutes ses formes, est rarement bénéfique, tant pour les individus perfectionnistes que pour leur partenaire intime.

Une relation amour-haine

Dès lors, plusieurs remettent en question l’idée d’un perfectionnisme sain. De manière générale, les quelques avantages du perfectionnisme sont souvent éclipsés par ses nombreux désavantages. Le perfectionnisme demeure un trait de personnalité susceptible de nuire au bien-être des individus, tant sur le plan personnel qu’interpersonnel. Ainsi, notre relation avec celui-ci est celle d’amour-haine : puissant moteur de succès, il peut aussi devenir un véritable « tyran intérieur » lorsque l’on s’entête à vouloir atteindre des standards trop élevés

 

Un autre constat alarmant émerge : une montée du perfectionnisme a été observée au fil des dernières décennies. Qui plus est, l’augmentation du perfectionnisme socialement prescrit serait deux fois plus grande que celle des autres dimensions perfectionnistes. Ce résultat suggère que nous sommes de plus en plus enclins à ressentir une pression sociale de performance et à nous sentir jugés par les autresÉtant donné que les personnes avec un perfectionnisme socialement prescrit élevé tendent à rapporter davantage de difficultés psychologiques et relationnelles, les cliniciens et cliniciennes sont encouragé·e·s à identifier et reconnaître l’impact de ce trait sur la vie de leurs client·e·s ainsi que sur leurs relations intimes. Enfin, dans une société qui valorise performance et succès, le travail thérapeutique s’avère être une occasion idéale pour remettre en question cette quête socialement acceptée de la perfection.

Découvre l'autrice

Noémie Viens (elle)

Noémie Viens est une étudiante de 4e année au doctorat en psychologie, profil recherche et intervention, à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Sa thèse porte sur le perfectionnisme et son lien avec les difficultés conjugales et sexuelles des couples. Noémie est passionnée par le transfert et la vulgarisation des connaissances, ce qui l’amène à présenter les résultats de ses travaux à différents congrès nationaux et internationaux, ainsi qu’à participer à différentes initiatives de vulgarisation scientifique.

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