Avec plus d’un décès sur quatre, les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez les individus souffrant d’un trouble mental grave (TMG) comme la dépression, la schizophrénie ou un trouble anxieux (1). Le risque de développer une telle maladie est jusqu’à trois fois plus grand chez ces individus que dans le reste de la population. Cette augmentation de risque est attribuable entre autres à des différences d’habitudes de vie (sédentarité et mauvaise alimentation), à des effets secondaires de la médication prescrite pour des troubles mentaux et même à certains symptômes de ces troubles (2). Il est donc important d’aussi prendre en compte les maladies physiques dans la prise en charge des patient.e.s avec un TMG.
L’activité physique: un traitement physique et psychologique
L’activité physique s’avère être une solution de choix pour traiter et pour réduire le risque de développer certaines maladies cardiovasculaires. En effet, être physiquement actif.ve améliore la santé cardiovasculaire, limite la prise de poids attribuable ou non à la médication et aide à réduire les facteurs de risque de ces maladies chez les individus avec un TMG (3). Toutefois, son effet ne s’arrête pas aux bénéfices pour la santé physique. On s’aperçoit aussi qu’elle aide à réduire les symptômes des différents TMG.
Depuis plus de 50 ans, les effets de l’activité physique sur la dépression ont particulièrement attiré l’attention des chercheurs. Aujourd’hui, il est établi qu’elle réduit le risque de développer une dépression (4) et le risque de rechute chez les individus en rémission (5). Elle serait aussi suffisamment efficace à elle seule pour traiter les dépressions légères à modérées (6).
L’activité physique a aussi fait ses preuves dans la gestion des troubles anxieux. Elle aurait un effet immédiat sur le sentiment d’anxiété (7) et une seule séance aurait un effet protecteur face aux attaques de panique (8). Lorsque pratiquée de façon régulière, elle réduirait aussi les symptômes d’anxiété au quotidien (7).
Finalement, l’activité physique a des effets importants sur la schizophrénie notamment en réduisant les différents symptômes de ce trouble (hallucination, idées délirantes, ralentissement moteur, perte d’intérêt et de motivation généralisée) (9). Ce qui la rend particulièrement intéressante dans le traitement de la schizophrénie, c’est qu’à ce jour il n’y a aucun traitement réduisant les symptômes d’apathie (10).
Activité physique en milieu psychiatrique
On pourrait donc s’attendre à ce que l’activité physique soit omniprésente dans les hôpitaux psychiatriques. Toutefois, une étude montréalaise démontre que très peu de professionnels de la santé mentale ont été formés à en faire la promotion et que seuls les plus actifs en parlent à leurs patient.e.s. De plus, la grande majorité des professionnels de la santé considère les autres traitements plus importants que l’activité physique (11). Cette étude conclut également qu’environ trois patient.e.s sur quatre désirent recevoir des conseils en matière d’activité physique de la part de leur équipe médicale. Plus de la moitié des patient.e.s trouvent aussi que développer de bonnes habitudes de vie est au moins aussi important que le travail effectué au niveau de la santé mentale, du statut d’emploi et du soutien social (12).
D’un autre côté, le simple fait de renseigner les patient.e.s sur les bénéfices de l’activité physique n’est pas suffisant. Une étude ontarienne a fourni à dix patient.e.s avec un TMG un abonnement illimité à un centre de conditionnement physique fournissant tout le matériel nécessaire à la pratique de différents sports. Les chercheuses ont demandé aux participant.e.s d’y faire de l’activité physique trois fois par semaine, ou douze fois par mois. Elles se sont assurées que les participant.e.s reçoivent des informations sur les bénéfices de l’activité physique et soient guidé.e.s dans leur pratique en plus d’assurer leur transport jusqu’au centre. Un.e seul.e des dix participant.e.s a réussi à maintenir une fréquence de douze fois par mois durant les six mois qu’a duré l’étude. Un.e autre participant.e a maintenu cette cadence durant trois des six mois. Les huit autres participant.e.s ont visité le centre moins de douze fois par mois et deux d’entre eux.elles n’ont jamais visité le centre (13). Bien que les conclusions tirées de cette étude ne puissent pas être généralisées à tous les patient.e.s, elles nous montrent que, même en ayant tous les outils, beaucoup d’entre eux.elles pourraient ne pas être régulièrement actif.ve.s par eux.elles-mêmes.
Conjuguer trouble mental et vie active
Les raisons les plus fréquemment évoquées pour ne pas faire d’activité physique chez les individus avec un TMG sont le sentiment de stress ou de dépression, le manque de soutien social et la fatigue. Les raisons de faire de l’activité physique sont quant à elles beaucoup plus nombreuses. La grande majorité des individus aux prises avec un TMG rapportent vouloir faire de l’activité physique pour améliorer leur condition physique, leur santé physique et mentale, leur apparence et leur sommeil, pour ne nommer que celles-ci (14). Les interventions visant à augmenter la pratique d’activité physique de ces individus doivent donc prendre en compte ces facteurs afin de favoriser la motivation des patient.e.s.
Même si aujourd’hui elle n’est pas utilisée partout, l’activité physique gagne en importance dans le traitement des TMG. Les recherches les plus récentes visent à identifier les meilleures techniques pour motiver les patient.e.s à être actif.ve.s (15) et de plus en plus de spécialistes de l’activité physique œuvrent dans les équipes médicales en psychiatrie. Bien que ce ne soit pas un traitement miracle considérant l’effort à fournir, l’activité physique a le potentiel de s’intégrer au traitement de base des patient.e.s aux côtés de la médication et de la psychothérapie.