Sport organisé à l’enfance, tremplin vers le bien-être

Daphné Blain

Candidate au doctorat en psychologie (Ph.D.-RI)

Sport organisé à l’enfance, tremplin vers le bien-être

Daphné Blain

Candidate au doctorat en psychologie (Ph.D.-RI)

La mise en place de stratégies qui favorisent le bien-être des enfants parait essentielle. La participation aux sports organisés* est l’une de ces stratégies. Au cours des dernières années, des chercheur·euses ont établi que la participation aux sports organisés entraine des effets bénéfiques considérables sur l’adaptation psychosociale* des enfants. Ces activités sont d’importants leviers pour promouvoir le bien-être et prévenir la détresse des enfants québécois, grâce à la diminution des symptômes intériorisés, tels que l’anxiété, le retrait social et la détresse émotionnelle, et des symptômes extériorisés, tels que les problèmes de comportements.

Plusieurs enfants québécois vivent des difficultés importantes sur le plan de l’adaptation psychosociale. Néanmoins, les enfants de 10 ans qui participent à des sports organisés présentent une meilleure adaptation psychosociale que les enfants qui participent à des activités individuelles ou à aucune activité organisée1. Il semble que la pratique de sports organisés les protège autant contre les symptômes vécus de manière plus intériorisée que contre les symptômes vécus de manière plus extériorisée. Mais par quels mécanismes peut-on lier les sports organisés et le bien-être psychologique ?

D’une part, environ 25 % des enfants québécois de 17 mois à 10 ans présenteraient un niveau élevé de symptômes intériorisés2. Ces symptômes incluent les manifestations d’anxiété, de dépression et de retrait social. Ils sont parfois difficiles à identifier, surtout chez les enfants, puisqu’ils correspondent à une détresse interne3. D’autre part, environ 37 % des enfants québécois présenteraient un niveau élevé de symptômes extériorisés2. Ils incluent l’hyperactivité, les comportements perturbateurs, les comportements agressifs et la délinquance. Comme ces problèmes mènent à des actions visibles qui perturbent l’ordre établi, les enfants avec des problèmes extériorisés sont plus rapidement identifiés et pris en charge3.


À la rescousse des enfants présentant des symptômes intériorisés

Les enfants qui participent aux sports organisés de manière constante durant l’école primaire vivent moins d’anxiété, de retrait social et de détresse émotionnelle4. Cet effet protecteur du sport organisé existe chez les enfants en général, mais aussi chez ceux qui présentent des facteurs de risque*. Par exemple, les enfants timides sont plus susceptibles de développer des symptômes intériorisés. Par contre, les enfants timides qui participent aux sports organisés vivent moins d’anxiété que ceux qui n’y participe pas5. Cet avantage est également observable un an plus tard, laissant croire qu’il s’agit d’un écart qui se maintient dans le temps. Différents mécanismes expliquent le lien entre les sports organisés et la diminution des problèmes intériorisés. D’abord, les sports organisés donnent la possibilité aux enfants de développer des compétences comme l’initiative et le travail d’équipe4. Ces activités leur permettent d’avoir une meilleure confiance en soi, ainsi qu’une meilleure estime de leurs capacités physiques, de leur apparence physique et de leurs pairs. Le sport organisé offre également des possibilités de maitrise et de réussite aux enfants, ce qui conduit à un plus grand bien-être5.


De plus, certains types de sports auraient davantage de bienfaits que d’autres. Les enfants participant à des sports d’équipe présenteraient moins de symptômes dépressifs et anxieux que ceux participant à des sports individuels ou à aucun sport 6,7,8. Les chercheur·euses expliquent que la composante sociale des sports d’équipe pourrait être déterminante. En effet, la mise de l’avant du travail d’équipe et de la collaboration permettrait le développement d’un sentiment de communauté7. De plus, ce contexte serait bénéfique pour l’estime de soi et améliorerait le sentiment d’être accepté par les pairs. Par ailleurs, les sports d’équipe organisés permettraient aux enfants de former des relations avec leurs pairs et les adultes responsables, améliorant leurs compétences sociales et diminuant leur anxiété en contexte social8.


Atténuer les symptômes extériorisés

Les enfants qui participent aux sports organisés présentent moins de problèmes de comportements, comme l’agressivité, l’opposition, l’hyperactivité et l’impulsivité9. Cet effet pourrait être dû à la multiplication des environnements d’apprentissage que procurent les sports organisés, permettant aux enfants de s’exposer à des personnes et à des expériences différentes10. Ces différents contextes favoriseraient le développement de la maitrise de soi et du respect des règles4, atténuant les problèmes de comportements. En effet, les enfants de 10 ans qui participent plus fréquemment aux activités organisées présentent moins de comportements qui enfreignent les règles et moins de comportements agressifs11.

Il est aussi possible de noter que les filles qui pratiquent un sport de manière constante entre l’âge de 6 et 10 ans présentent moins de symptômes du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH ; hyperactivité, impulsivité et inattention) à 12 ans que celles qui ne pratiquent pas ou peu de sport12. Ce résultat est expliqué par le développement des compétences cognitives, sociales, comportementales et motrices, ainsi que par la promotion d’habitudes de vie saines dans les sports organisés12. Les garçons, chez qui le TDAH est davantage apparent, donc souvent détecté plus tôt, sont plus susceptibles de recevoir de la médication dès l’enfance. Cette médication pourrait expliquer le fait que les sports ne semblent pas réduire les symptômes de TDAH pour les garçons, ceux-ci étant déjà diminués par la médication12.


Vers la multiplication des programmes de sports organisés ?

Les programmes de sports organisés sont présents dans les écoles primaires du Québec depuis plusieurs années. Toutefois, la pandémie de coronavirus et les mesures sanitaires lui étant associées ont largement réduit les possibilités de participation aux sports organisés. Dans le contexte du plan de déconfinement amorcé, les dirigeant·es doivent définir leurs priorités pour la suite. Ces programmes gratuits ou à faible coût, une fois remis en place et diversifiés afin de rejoindre de nombreux champs d’intérêt, pourraient être la clé vers une meilleure santé mentale des enfants québécois.


Lexique

Adaptation psychosociale : bien-être interne et externe d’un individu dans son contexte de vie. Ce terme réfère à l’absence (ou la présence de peu) de problèmes de santé psychologique13.

Facteur de risque : tout attribut, caractéristique ou exposition de la personne qui augmente la probabilité qu’elle développe un trouble de santé mentale ou une maladie14.

Sport organisé : activité physique dirigée par un adulte, qui implique des règles et une pratique formelle, pratiquée de manière compétitive ou récréative15. C’est une sous-catégorie des activités de loisir organisées. Par exemple, des cours de natation, de soccer ou de karaté sont des sports organisés puisqu’un adulte dirige l’activité tout en s’assurant que les règles du sport sont respectées.


Références

  1. Oberle, E. et al. (2019). Extracurricular activity profiles and wellbeing in middle childhood: A population-level study. PLoS ONE, 14(7), article e0218488. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0218488
  2. Conseil supérieur de l’éducation. (2019). La santé mentale des enfants et des adolescents : Données statistiques et enquêtes recensées. Gouvernement du Québec. https://www.cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2019/03/2019-03-la-sante-mentale-des-enfants-et-des-adolescents-1.pdf
  3. Coleman, M. C. (1996). Emotional and behavioral disorders: theory and practice (3eéd.) Boston: Allyn & Bacon.
  4. Brière, F. N. et al. (2019). Consistent participation in organized physical activity predicts emotional adjustment in children. Pediatric Research. https://doi.org/10.1038/s41390-019-0417-5
  5. Findlay, L. C. et Coplan, R. J. (2008). Come out and play: Shyness in childhood and the benefits of organized sports participation. Canadian Journal of Behavioural Science/Revue canadienne des sciences du comportement, 40(3), 153‑61. https://doi.org/10.1037/0008-400X.40.3.153
  6. Moeijes, J. et al. (2019). Characteristics of sports participation and psychosocial health in children: Results of a cross-sectional study. European Journal of Sport Science, 19(3), 365‑74. https://doi.org/10.1080/17461391.2018.1510988
  7. Pluhar, E. et al. (2019). Team sport athletes may be less likely to suffer anxiety or depression than individual sport athletes. Journal of Sports Science & Medicine, 18(3), 490‑96.
  8. Dimech, A. S. et Seiler, R. (2011). Extra-curricular sport participation: A potential buffer against social anxiety symptoms in primary school children. Psychology of Sport and Exercise, 12(4), 347‑54. https://doi.org/10.1016/j.psychsport.2011.03.007
  9. Simpkins, S. D. et al. (2005). Predicting participation and outcomes in out-of-school activities: Similarities and differences across social ecologies. New Directions for Youth Development, 2005(105), 51‑69. https://doi.org/10.1002/yd.107
  10. Simoncini, K. et Caltabiono, N. (2012). Young school-aged children’s behaviour and their participation in extracurricular activities. Australasian Journal of Early Childhood, 37(3), 35‑42. https://doi.org/10.1177/183693911203700306
  11. Denault, A.-S. et Déry, M. (2015). Participation in organized activities and conduct problems in elementary school: The mediating effect of social skills. Journal of Emotional and Behavioral Disorders, 23(3), 167‑79. https://doi.org/10.1177/1063426614543950
  12. Pagani, L. S. et al. (2020). Childhood exercise as medicine: Extracurricular sport diminishes subsequent ADHD symptoms. Preventive Medicine, article 106256. https://doi.org/10.1016/j.ypmed.2020.106256
  13. Beaulieu, G. et al. (2017). L’intimidation subie et l’adaptation psychosociale à l’école primaire : effet modérateur de la participation à des activités de loisir organisées. Revue de psychoéducation, 44(2), 197‑218. https://doi.org/10.7202/1039253ar
  14. Organisation mondiale de la santé. (2021). Facteurs de risque. https://www.who.int/topics/risk_factors/fr/
  15. Logan, K., Cuff, S. et Council on Sports Medicine and Fitness. (2019). Organized sports for children, preadolescents, and adolescents. Pediatrics, 143(6), article e20190997. https://doi.org/10.1542/peds.2019-0997 ; Messner, M. A. et Musto, M. (2016). Introduction : Child and sport. Dans Child’s play. Rutgers University Press.
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