S’exposer pour apprendre à surfer les vagues d’anxiété

Chloé Charest St-Onge

Étudiante au doctorat en psychologie

Daphné Blain

Étudiante au doctorat en psychologie

S’exposer pour apprendre à surfer les vagues d’anxiété

Chloé Charest St-Onge

Étudiante au doctorat en psychologie

Daphné Blain

Étudiante au doctorat en psychologie

L’anxiété est une émotion qui peut créer de la détresse et nuire au fonctionnement d’un individu. L’exposition graduelle in vivo serait une stratégie efficace pour réduire et apprendre à gérer l’anxiété. Les principes sont simples : éviter d’éviter, et s’exposer de manière graduelle, répétée et prolongée à ce qui nous fait peur afin d’apprendre que la situation redoutée n’est finalement pas dangereuse.

Peu importe le niveau d’intensité du courant de l’eau, les algues savent s’ancrer fermement au sol et se laisser porter par les vagues. L’exposition graduelle in vivo est une stratégie thérapeutique qui consiste à faire l’algue face aux vagues d’anxiété. Faire l’algue, c’est tolérer la vague pendant qu’elle passe plutôt que de l’éviter. 

 

S’exposer progressivement et souvent à ce qui nous fait peur pourrait nous permettre de diminuer notre anxiété. Les sensations inconfortables et désagréables qui peuvent être enclenchées par l’anxiété, telles que l’augmentation du rythme cardiaque et la transpiration, ne sont pas dangereuses et sont temporaires. Cette stratégie soutient ainsi l’acceptation de ces sensations plutôt que leur évitement. L’exposition graduelle in vivo repose sur le principe que l’évitement, bien qu’efficace à court terme pour réduire l’anxiété, la maintient à long terme.

Vaut mieux graduellement que brusquement

Il est essentiel que l’exposition à ce qui nous fait peur se déroule de manière graduelle pour optimiser sa réussite. Cela permet de commencer avec une situation qui suscite de l’anxiété, mais que la personne se sent capable d’affronter, et de terminer par une situation qui semblait insurmontable, mais qui devient accessible en cours de processus. 

 

Prenons l’exemple de Juliette ! Elle aimerait se débarrasser de sa phobie des chiens. Elle dressera d’abord une liste systématique des situations qu’elle évite et qu’elle aimerait pouvoir faire. Elle hiérarchisera ensuite ces situations selon le niveau d’anxiété subjectif* ressenti face à chacune d’elles, du moins anxiogène (plus facile) au plus anxiogène (plus difficile). Disons qu’une situation moins anxiogène pour Juliette est d’aller au parc et d’y croiser des chiens. Elle identifiera les facteurs influençant sa capacité à tolérer les chiens dans cet environnement, c’est-à-dire sa proximité avec les chiens, le fait qu’ils soient ou non en laisse et le fait d’être seule ou accompagnée. Elle créera un plan graduel d’environ dix étapes pour s’exposer en faisant varier les facteurs précédemment identifiés. Il est important qu’elle commence par une étape assez difficile pour apprendre que ce qui lui fait peur n’est pas dangereux, mais assez facile pour être capable de supporter la situation sans la fuir ou l’éviter

 

Juliette s’exposera à l’étape 1 jusqu’à ce que cette situation devienne confortable pour elle et qu’elle puisse la compléter sans préoccupations. Puis, elle passera au niveau de difficulté suivant, jusqu’à compléter la 10e étape. Elle pourra ensuite passer à une situation plus anxiogène de sa liste et créer un nouveau plan graduel pour ce contexte spécifique (p. ex. aller chez une amie qui a un chien).

La pratique mène à l’apprentissage

Il est important que les séances d’exposition soient prolongées (au moins 45 minutes) et répétées afin de déclencher le processus d’habituation* (voir figure 1). L’objectif est de s’exposer assez longtemps pour que le niveau d’anxiété diminue de façon significative et devienne même confortable. L’anxiété doit diminuer pendant la situation d’exposition, et non grâce à la fuite ou l’évitement. De cette manière, il est possible d’apprendre que la situation crainte n’est pas dangereuse et qu’elle est tolérable. Prenons l’exemple de Juliette qui va s’asseoir au parc avec son amie et son chien. Si elle prend la fuite après 5 minutes, car l’anxiété est trop élevée, elle ressentira immédiatement un soulagement. Cela pourrait augmenter les chances qu’elle évite à nouveau de se rendre au parc et maintenir son anxiété à long terme. À l’inverse, si elle reste assise pendant 1 heure et qu’elle se rend compte qu’il n’y a pas de conséquences négatives, son anxiété diminuera et elle apprendra que cette situation n’est pas dangereuse. De plus, chaque étape de la hiérarchie d’exposition devrait être répétée plusieurs fois avant de passer à une étape plus difficile. Augmenter trop rapidement la difficulté pourrait susciter un niveau d’anxiété intolérable et nuire au processus d’habituation.

Figure 1. Courbe d’habituation 

Éviter d’éviter

Bien que l’évitement d’une situation crainte puisse diminuer momentanément l’anxiété, il est probable que celle-ci s’empire à long terme. Mais pourquoi? Tout d’abord, l’évitement maintient l’impression qu’une situation est vraiment dangereuse. Par exemple, Juliette pourrait se dire que la seule raison pour laquelle elle ne se fait pas attaquer par un chien est qu’elle évite de les rencontrer, ce qui confirme sa croyance qu’ils sont dangereux. Ensuite, l’évitement empêche une confrontation avec la situation crainte. Cela interfère avec le processus naturel d’apprentissage qui se produirait si la personne rencontrait la situation crainte, sans qu’il y ait de conséquences négatives. Finalement, l’évitement est la porte d’entrée du cycle de renforcement négatif*. Chaque fois que l’évitement est utilisé pour diminuer l’anxiété et que cela crée un soulagement, le comportement est renforcé (voir figure 2). Le cerveau apprend alors que l’évitement est une stratégie rapide et efficace pour contrer cette émotion.

Figure 1. Courbe d’évitement 

Certaines personnes utilisent des stratégies d’évitement cognitif ou des comportements de réassurance afin de neutraliser l’anxiété, même durant l’exposition. Par exemple, lorsque Juliette s’expose, elle pourrait porter un porte-bonheur, consommer des substances ou retenir son souffle afin de neutraliser son anxiété. Ces comportements ont les mêmes effets que l’évitement et empêchent une exposition complète. Elle pourrait se dire qu’elle a réussi à s’exposer spécifiquement grâce à ces éléments. Ceci est contre-productif, car un des objectifs est qu’elle comprenne que la situation n’est pas menaçante. 

Une étape à la fois

S’exposer pour diminuer l’anxiété est donc une excellente idée ! Cependant, il peut être difficile de se lancer sans aide thérapeutique. Si l’anxiété semble trop forte ou que l’exposition paraît impensable, consulter une professionnelle pourrait être une bonne première étape. En effet, recevoir de l’aide pour maitriser certaines stratégies de régulation peut être particulièrement aidant et nécessaire avant de commencer à s’exposer.

Lexique

 

Habituation : Apprentissage qui implique une diminution des réponses ou de l’attention portée à un stimulus lorsque celui-ci est présenté de façon répétée ou persistante. C’est ce qui se produit lorsque l’anxiété face à un objet diminue à force que celui-ci soit présenté sans conséquences négatives.

Niveau d’anxiété subjectif : Évaluation individuelle d’à quel point une situation nous fait peur sur une échelle de 0 à 1005. La cote 0 indique le calme et l’aise, alors que la cote 100 indique une peur maximum.

Renforcement négatif : Apprentissage qui implique une augmentation de la fréquence d’un comportement, car celui-ci est associé au retrait d’un stimulus. C’est ce qui se produit lorsque l’évitement est encouragé, car il est associé au retrait de l’anxiété. 

Découvre les autrices

Chloé Charest St-Onge et Daphné Blain

Chloé et Daphné sont toutes les deux étudiantes au doctorat en psychologie à l’Université du Québec à Montréal, jumelant la formation en recherche et en intervention clinique. Chloé s’intéresse à l’évolution des relations mère-enfant et père-enfant durant l’émergence de l’âge adulte (18-30 ans) et aux liens entre ces relations et le bien-être des adultes émergents. De son côté, Daphné s’intéresse aux rôles de la participation à différentes catégories de sports organisés sur l’adaptation psychosociale des enfants et des adolescents. Elles sont toutes les deux des personnes actives, passionnées par la lecture, qui aiment se rassembler en bonne compagnie !

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