Les vaches ne mangent pas de Big Macs

Myriam Landry

Étudiante au doctorat en sciences animales

Les vaches ne mangent pas de Big Macs

Myriam Landry

Étudiante au doctorat en sciences animales

Les vaches d’aujourd’hui sont de véritables athlètes. Une vache peut produire jusqu’à 50 litres de lait quotidiennement. Pour performer dans sa discipline laitière, la vache consomme, chaque jour, l’équivalent en calories de 150 Big Macs. Mais les vaches ne mangent pas de fast-food! À la ferme, les producteurs laitiers peuvent ajouter une petite quantité de gras aux repas des vaches pour combler leurs besoins nutritionnels. Ce petit ajout fait la différence aux yeux des transformateurs laitiers parce qu’il modifie la composition du lait, ce qui se répercute ensuite sur les produits laitiers comme le beurre.

Imaginez qu’on vous donne une banane et quelques fraises. Vous faites alors un délicieux smoothie. Le lendemain, on vous donne des ingrédients différents, mais on vous demande de faire un smoothie exactement identique à celui de la veille. Pas évident. Pourtant, c’est un peu l’exploit que les transformateurs laitiers font tous les jours.

 

Chacun des quelque 5000 producteurs laitiers québécois1 a sa propre façon d’alimenter ses vaches. Cela représente un défi de taille pour les transformateurs laitiers. En achetant notre fromage préféré à l’épicerie, nous nous attendons à ce qu’il ait toujours la même allure, le même goût et la même texture. Cependant, le lait que les usines de transformation reçoivent est de composition variable d’une journée à l’autre dépendamment des fermes desquelles il provient. Ce que mange une vache modifie la composition de son lait. C’est pour la même raison que les femmes qui allaitent font attention à leur alimentation.

Un assaisonnement qui fait toute la différence

De petites modifications à la ration des vaches peuvent avoir de gros impacts sur la composition du lait.  Notre équipe de recherche, dirigée par la professeure Rachel Gervais de l’Université Laval, a testé les effets d’un ajout de 600 g de gras saturés ou insaturés à la ration des vaches. Pour des vaches qui mangent plus de 60 kg d’aliments par jour, c’est pratiquement un assaisonnement! Mais cette petite quantité de gras a influencé les propriétés du lait et des beurres expérimentaux. D’un côté, le supplément de gras insaturé a fait diminuer la concentration en gras du lait de 0,5 %. Les gras insaturés perturbent la digestion de la vache, ce qui nuit à sa capacité de synthétiser du gras laitier. C’est pourquoi on observe cette diminution de la teneur en gras du lait lorsqu’on ajoute des gras insaturés à la ration. De l’autre côté, le supplément de gras saturé a permis aux vaches de produire plus de gras3. Les producteurs laitiers sont rémunérés selon les quantités de gras, protéine et lactose livrées à l’usine de transformation. Il est donc plus avantageux d’offrir aux vaches des rations qui favorisent la production de gras dans le lait, d’où l’intérêt d’utiliser des gras alimentaires saturés.

 

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le lait naturellement produit par les vaches contient plus de 3,25 % de gras. C’est le transformateur qui, dans un premier temps, retire l’entièreté du gras du lait et en remet plus tard en bonne proportion pour faire les laits 1, 2 et 3,25 % qu’on trouve à l’épicerie. Il est donc possible de remédier aux variations de la teneur en gras du lait à l’usine. Par contre, la proportion de gras saturés et insaturés dans le gras total du lait ne peut être corrigée, ce qui a un impact sur la fabrication des produits laitiers. Dans notre expérience, lorsqu’est venu le temps de faire du beurre avec les laits expérimentaux, celui fait avec le lait des vaches recevant le gras insaturé était plus facilement tartinable que celui fait avec le lait des vaches recevant le gras saturé. Les gras dans l’alimentation de la vache ont modifié la composition du gras laitier, ce qui s’est répercuté sur la texture du beurre5.

Tous les gras ne sont pas égaux

Les différences texturales observées sur les beurres expérimentaux peuvent être expliquées par les différences entre les gras saturés et insaturés. Les gras insaturés sont ceux qui composent majoritairement les huiles végétales. Les graisses d’origine animale sont, au contraire, en majorité composées de gras saturés. Les gras insaturés ont besoin de peu de chaleur pour fondre et devenir liquides contrairement aux gras saturés, qui eux, en nécessitent plus. C’est ce qui explique la différence entre les huiles végétales et le beurre. Si on met les deux sur le comptoir, l’huile est liquide à température pièce alors que le beurre, composé d’une majorité de gras saturés, garde sa forme solide. Ainsi, lorsque la proportion de gras saturés et insaturés dans le beurre est modifiée, sa texture l’est aussi.

 

L’alimentation des vaches à la ferme a un impact sur les propriétés des produits laitiers. Notre équipe de recherche s’applique à trouver les bonnes recettes, suffisamment caloriques, pour nourrir les vaches tout en optimisant la transformation du lait. Tout cela dans le but de pouvoir continuer de manger nos produits laitiers préférés dans l’assurance qu’ils auront toujours aussi bon goût!

Myriam Landry

Myriam étudie au doctorat en sciences animales à l’Université Laval. Elle appartient au groupe de recherche Op+lait, regroupement pour un lait de qualité optimale. Ses études portent sur l’impact des pratiques à la ferme sur l’aptitude à la transformation du lait. Elle a développé un intérêt particulier pour les gras des produits laitiers, autant au laboratoire que dans l’assiette!

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