Les feux de forêt enflamment aussi notre santé

Olga Fliguine

Étudiante au doctorat en psychologie

Les feux de forêt enflamment aussi notre santé

Olga Fliguine

Étudiante au doctorat en psychologie

L’été 2023 a été historique au Québec. En à peine quelques semaines, la superficie des forêts brûlées a dépassé celle des 20 dernières années. Les feux de forêt libèrent une grande quantité de particules fines dans l’air qui sont liées à un risque de cancers, de troubles respiratoires, mais aussi de troubles neurologiques. Bien qu’elles soient parfois invisibles, ces particules peuvent voyager sur des centaines de kilomètres. Elles peuvent être aussi très dommageables, particulièrement pour les personnes vulnérables comme les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées.

Une vision apocalyptique d’un ciel orangé, semblable aux images qu’on voit des villes les plus polluées de la planète. Pourtant, il ne s’agissait pas de Jakarta, mais bien de Montréal, où la qualité de l’air a dépassé à plusieurs reprises la barre des 100μg/m3 de particules fines. Or, l’ONU a montré que respirer un air contenant plus de 15 μg/m3 pendant plusieurs journées augmente le risque de développer une maladie, comme le cancer des poumons. En effet, la fumée des feux de forêt produit des particules fines d’une taille d’environ 2,5 microns, soit 35 fois plus petites qu’un grain de sable. Ces minuscules particules réussissent à traverser les barrières protectrices de l’organisme, engendrant des inflammations, plus particulièrement aux poumons et au cerveau.

 

Des études suggèrent que les particules fines produites par les feux sont plus toxiques que celles présentes dans l’air ambiant. Elles fragilisent les cellules de l’organisme et les mènent à vieillir prématurément par un processus nommé le stress oxydatif*. Ce processus de détérioration des cellules comprend l’accumulation de molécules toxiques menant à la mort de celles-ci et à la création de déchets dans les tissus. Normalement, ces déchets sont détruits par des cellules spéciales que sont les macrophages. Ces véritables petits aspirateurs Roomba®, circulent dans les tissus pour éliminer les cellules mortes et aider à la cicatrisation. Toutefois, le stress oxydatif agit également sur les macrophages en les rendant moins efficaces, créant ainsi une accumulation de déchets et des inflammations dans les tissus. Plusieurs facteurs, comme l’âge ou le degré de vulnérabilité, empêchent d’établir un seuil précis d’exposition nécessaire pour entraîner un stress oxydatif. Cependant, les études rapportent une augmentation significative des hospitalisations pour des inflammations des voies respiratoires, comme l’asthme, pendant les feux de forêt.

 

Les particules fines nuisent aussi à notre santé en altérant le processus de lecture de nos gènes. Ces derniers sont l’équivalent à des recettes qui doivent être lues afin d’exprimer les caractéristiques héréditaires, mais aussi pour produire toutes les molécules indispensables au bon fonctionnement de l’organisme. Les perturbations de ce processus de lecture sont réputées contribuer à l’apparition de maladies cardiovasculaires comme l’infarctus et de perturbations du système immunitaire comme le cancer.

Des particules des poumons jusqu’au cerveau  

Les polluants dans l’air entrent dans l’organisme par la respiration et affectent les cellules des poumons, ce qui provoque une inflammation des voies respiratoires. Une telle inflammation peut être responsable de bronchite chronique et induire des crises asthmatiques. Les particules fines atteignent aussi le cerveau en passant par la circulation sanguine. En effet, en raison de leur petite taille, les particules réussissent à traverser la barrière hématoencéphalique*, qui protège normalement le cerveau des substances toxiques. Enfin, elles peuvent également accéder au cerveau de manière plus directe, via le bulbe olfactif*, lequel traite les informations odorantes en provenance des cavités nasales.

Des effets sur le cerveau et la santé mentale

Globalement, la qualité de l’air est un facteur de risque pour la maladie d’Alzheimer et d’autres maladies neurodégénératives*. Chez l’enfant, l’exposition avant et après la naissance à des particules fines pourrait perturber le développement, et exacerber le risque de troubles d’apprentissage et de maladies neurodégénératives à l’âge adulte.  La recherche montre que l’exposition avant la naissance pourrait mener à une diminution des capacités de résister à la tentation, comme ne pas manger la boîte entière de biscuits. Cette diminution serait potentiellement liée à une réduction de l’épaisseur corticale* des régions cérébrales qui nous permettent de réguler nos comportements.

 

La pollution de l’air aurait également un impact sur la santé mentale. Ainsi, des études observent des liens entre la qualité de l’air et l’occurrence de symptômes dépressifs et suicidaires. Des changements dans la structure du cerveau, particulièrement une diminution du volume de la matière blanche*, composée de fibres transportant l’information, expliqueraient ces liens.

Des personnes plus sensibles que d’autres

Les personnes âgées, les enfants, les femmes enceintes et les personnes avec un trouble respiratoire ou une maladie chronique sont plus à risque d’être affectés par les polluants des feux de forêt. Les populations à faible statut socioéconomique ou ayant moins facilement accès à des soins et services sont également plus vulnérables. Les effets varient aussi selon le type de végétation qui brûle: certaines espèces d’arbres, comme l’eucalyptus par exemple, produisent des particules plus toxiques. Enfin, la concentration en particules fines et la durée d’exposition jouent également un rôle quant aux impacts sur la santé. Bien que plusieurs études suggèrent que les feux de forêt puissent engendrer des effets nocifs sur la santé, d’autres recherches sont nécessaires pour mieux comprendre la nature et la sévérité de ces effets. En développant plus de connaissances, il sera possible de trouver des pistes d’actions pour mieux protéger les populations contre ce polluant naturel.

 

Les feux de forêt provoquent l’accumulation de particules fines qui dégradent la qualité de l’air et peuvent nuire à la santé. Alors qu’il est possible de préserver une bonne qualité de l’air en réduisant la production de certains polluants tels les combustibles fossiles, nous n’avons pas ou très peu de contrôle sur les feux de forêt qui pourraient devenir de plus en plus fréquents à l’avenir en raison de l’accélération des dérèglements climatiques. Il est crucial d’agir politiquement sur la crise climatique en mettant en place des programmes de prévention, d’adaptation et de lutte contre les changements climatiques pour réduire la survenue de catastrophes naturelles comme les feux de forêt. Les actions sont nécessaires dès maintenant pour protéger les populations présentes et futures, préserver autant que possible les patrimoines culturels et naturels et éviter de rajouter un poids sur un système de santé déjà fortement surmené.

Lexique

 

Barrière hématoencéphalique : barrière qui protège le cerveau des substances étrangères et de certaines molécules pouvant arriver par la circulation sanguine.

Bulbe olfactif : région cérébrale qui reçoit et traite les informations odorantes en provenance des cavités nasales.

Épaisseur corticale : épaisseur de la matière grise dans le cerveau. La matière grise est composée de neurones qui traitent l’information.

Maladies neurodégénératives : maladies progressives et souvent incurables qui entraînent la mort des cellules du cerveau.

Matière blanche : tissus composés de fibres qui permettent de connecter les différentes régions du cerveau.

Stress oxydatif : déséquilibre provoqué par la présence de certaines molécules qui agressent les cellules.

Découvre l'autrice

Olga Fliguine

Olga est étudiante au doctorat en psychologie à l'UQÀM. Ses intérêts de recherches portent sur la santé mentale, le fonctionnement du cerveau et les impacts environnementaux sur le développement cérébral. Dans son temps libre, elle aime pratiquer l’escrime, jouer du piano et déguster une bonne bouteille de vin.

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