Ces troubles alimentaires tricotés serrés avec la sexualité 

Daphné Blain

Étudiante au doctorat en psychologie

Ces troubles alimentaires tricotés serrés avec la sexualité 

Daphné Blain

Étudiante au doctorat en psychologie

L’alimentation et la sexualité sont deux besoins primaires au cœur de nos vies. Cependant, ils peuvent rapidement devenir l’objet de difficultés importantes. Au cours des dernières années, les troubles alimentaires et les difficultés sexuelles chez l’adulte ont capté l’intérêt de plusieurs équipes de recherche. Les comportements alimentaires problématiques tels que le contrôle et la compulsion alimentaire* peuvent nuire à la fonction et à la satisfaction sexuelle ainsi qu’à l’intimité d’un individu avec son ou sa partenaire. L’insatisfaction corporelle et l’interférence cognitive* constituent des pistes d’explications à cet égard.

Saviez-vous que les troubles alimentaires entrainent non seulement de nombreuses conséquences individuelles physiques et mentales, mais également des difficultés relationnelles et sexuelles pouvant nuire au bien-être général des personnes qui en souffrent?  En effet, environ 90 % des cas de troubles alimentaires au Canada se présentent chez des femmes et parmi elles, 70 % connaissent une perte de libido et jusqu’à 60 % tendent à vivre de l’anxiété concernant la sexualité. D’ailleurs, près de 1 % des Canadiennes sont affectées par l’anorexie mentale* et près de 3 % par la boulimie*, alors que les accès hyperphagiques* affectent près de 2,8 % des individus.

Quand le corps distrait les pensées

L’insatisfaction corporelle peut faire en sorte que les femmes perçoivent davantage la sexualité comme une fonctionnalité plutôt qu’une source de plaisir. De plus, les femmes insatisfaites de leur corps craignent davantage l’intimité et ont plus tendance à être conscientes et gênées de leur corps pendant les activités sexuelles. Ces éléments peuvent mener à une dissimulation du corps, à des contacts physiques limités et à une diminution générale de l’intimité. Ces comportements peuvent alors diminuer la satisfaction et la fonction sexuelle autant sur le plan du désir, de l’excitation, du plaisir ressenti et de l’orgasme. D’ailleurs, chez des étudiantes universitaires, le mécontentement à l’égard de la forme et de la taille de leur corps peut fréquemment conduire à des difficultés sexuelles.

Ensuite, l’interférence cognitive, découlant de la symptomatologie des troubles alimentaires, peut conduire l’individu à être attentif à des stimuli non érotiques pendant les activités sexuelles. L’individu pourrait par exemple penser à rentrer son ventre tout au long des activités sexuelles pour diminuer l’anxiété et le stress ressentis quant à son apparence.  Une étude indique, chez des étudiantes universitaires, que les préoccupations relatives au poids et à l’alimentation peuvent effectivement distraire l’individu pendant ses activités sexuelles. Cet évitement cognitif peut entrainer une diminution de l’excitation, renforçant ainsi l’évitement de l’intimité et augmentant les problèmes sexuels tels que les douleurs lors de la pénétration. Ainsi, des pensées et des émotions négatives liées au trouble alimentaire pendant l’activité sexuelle telles que « je suis stressée qu’il ou elle voit mes cuisses » ou « j’ai tellement honte de mon apparence » pourraient être source de difficultés sexuelles

Contrôle alimentaire VS Compulsions alimentaires

La sexualité est affectée différemment selon le trouble alimentaire que vit l’individu en raison de leurs caractéristiques distinctes. D’un côté, les personnes qui exercent un contrôle alimentaire excessif (p.ex., anorexie mentale) présentent un fonctionnement sexuel plus limité, incluant le désir, l’excitation, la lubrification, l’orgasme et la satisfaction, ainsi que la présence de douleurs. Elles sont également moins susceptibles d’avoir un ou une partenaire sexuel.le ou conjugal.le. Aussi, les femmes souffrant d’anorexie mentale présentent une libido plus faible que celles souffrant de boulimie. La sous-nutrition et la réduction importante du poids sont des éléments importants à considérer à ce propos. La restauration du poids naturel semble d’ailleurs favoriser une augmentation de la libido.

De l’autre côté, les personnes qui présentent des compulsions alimentaires (p.ex., boulimie et accès hyperphagiques) ont des profils sexuels plus impulsifs. Les patientes boulimiques signalent par exemple des taux plus élevés de partenaires multiples et des premiers contacts sexuels à un plus jeune âge

 

Un rétablissement possible

Un suivi individuel auprès d’une équipe multidisciplinaire (p.ex., psychologue, nutritionniste, médecin) est indiqué pour la personne qui vit avec un trouble alimentaire. Une thérapie conjugale sexuelle peut également être très pertinente. Une étude qualitative s’étant intéressée à 17 couples révèle que 13 d’entre eux ont affirmé que l’engagement du ou de la partenaire dans le processus de rétablissement a été un moment décisif vers la rémission du trouble alimentaire, menant souvent à la diminution des difficultés sexuelles au sein du couple. Cette thérapie peut être l’occasion d’obtenir de la psychoéducation de la part du ou de la thérapeute, de favoriser une communication ouverte et honnête quant aux symptômes vécus ainsi qu’aux interactions conjugales nuisibles au rétablissement et d’améliorer l’intimité du couple. L’accessibilité aux services en santé mentale semble donc prioritaire afin d’assurer une rémission des difficultés tant alimentaires que sexuelles.

 

Lexique

Anorexie mentale : poids significativement bas dû à une restriction alimentaire, une peur intense et persistante de prendre du poids et une perception altérée du poids ou de la forme du corps qui influencent l’estime de soi.

Boulimie : présence de compulsions alimentaires récurrentes et de comportements compensatoires (régimes drastiques, jeûnes, vomissements provoqués, laxatifs, diurétiques, exercice physique excessif ou autres méthodes) pour éviter la prise de poids.

Accès hyperphagiques : survenue récurrente de compulsions alimentaires sans comportements compensatoires.

Interférence cognitive : pensées indésirables et intrusives qui s’immiscent dans la vie d’une personne et interfèrent avec sa capacité à performer une tâche.

Compulsions alimentaires : absorption d’une très grande quantité d’aliments en un temps limité avec sentiment de perte de contrôle.

Découvre l'autrice

Daphné Blain

Daphné est étudiante au doctorat en psychologie à l'Université du Québec à Montréal, jumelant la formation en recherche et en intervention clinique. Sa thèse s’intéresse aux rôles de la participation à différentes catégories de sports organisés sur l’adaptation psychosociale des enfants et des adolescents. Elle est une adepte de la danse et du yoga. Par ailleurs, elle apprécie la compagnie des livres, des podcasts et des séries télévisées, et surtout celle d'autres humains.

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