Le poids corporel représente la force de la pesanteur que la Terre exerce sur nous. Cela pourrait sembler simple, non? En réalité, il s’agit d’un sujet complexe, sensible et dont bien des gens sont insatisfaits. Selon les données de l’organisme ÉquiLibre de 2021, deux personnes sur trois souhaitent maigrir, et ce, peu importe leur poids. D’un autre côté, il est estimé que plus de 80 % des gens reprennent le poids perdu, et même plus, dans les cinq années suivant une diète amaigrissante. Ainsi, les questions suivantes se posent : est-ce parce que la diète amaigrissante miracle n’a pas encore été découverte? Est-ce dû à un manque de volonté? Dans une société où les standards de beauté valorisent la minceur au profit de la diversité corporelle, une réflexion collective est de mise.
Que ce soit la diète cétogène, le jeûne intermittent ou le plan alimentaire à 29,99 $ sur Facebook, les diètes amaigrissantes ont toutes un point commun : elles induisent une restriction calorique, menant à une perte de poids à court terme. Les mots court terme sont importants, car le maintien du poids perdu est l’exception plus que la norme. Qu’est-ce qui explique ce taux d’échec de 80 %? Une partie de la réponse se trouve dans les adaptations physiologiques du corps face aux diètes amaigrissantes.
Se mettre en mode « économie d’énergie »
Sur le plan de l’évolution, le corps humain a mis en place de nombreux mécanismes pour survivre à l’époque où la nourriture était rare et où les famines étaient courantes. Aujourd’hui, notre corps ne fait pas la différence entre une diète pour un Summer Body et une famine. En effet, une restriction calorique se produit lorsque les apports énergétiques provenant des calories des aliments sont inférieurs à la dépense. La dépense énergétique comprend le métabolisme basal, la digestion des aliments, le maintien de la température corporelle et l’activité physique. Dans le corps, l’équilibre énergétique est caractérisé par un apport en énergie égal à l’énergie dépensée quotidiennement, menant à un poids stable. Le gain de poids se produit lorsque les apports sont supérieurs à la dépense, alors que la perte de poids survient lorsque l’apport en calories est inférieur à l’énergie dépensée. En présence d’une restriction calorique, le métabolisme basal diminue. De la même manière que notre téléphone cellulaire qui tombe en mode « économie d’énergie » lorsque la pile est faible, cette adaptation vise à maintenir les fonctions vitales du corps en période de restriction.
Figure 1. Balance énergétique du corps humain représentée par des apports équivalents aux dépenses
Le cerveau comme chef d’orchestre
L’hypothalamus est une petite structure située à la base du cerveau. Sa petite taille n’est pas à s’y méprendre, car cette structure est cruciale à l’équilibre de nombreuses fonctions dans le corps, dont le maintien du poids. En présence d’une restriction calorique, telle une tour de contrôle qui sonne l’alarme, l’hypothalamus met en place une panoplie de mécanismes pour contrer cette menace à l’équilibre du corps. Cette structure se compare au thermostat dans une maison : lorsque la température d’une pièce descend sous celle qui est souhaitée, le chauffage s’active pour ramener la température à ce qu’elle devrait être. L’hypothalamus orchestre les mécanismes de variations des hormones impliquées dans la sensation de faim et de rassasiement. Une hormone sécrétée par l’estomac, la ghréline, stimule l’appétit. Avant un repas, elle est plus élevée dans le sang, ce qui envoie le signal de faim. Au fur et à mesure que le repas avance, sa sécrétion diminue, puis une autre hormone arrive en scène : la leptine. Dérivé du mot grec leptos qui signifie « mince », cette hormone est sécrétée principalement par le tissu graisseux. Elle indique au cerveau de cesser d’envoyer des signaux qui stimulent la faim. La leptine est donc parfois appelée « l’hormone de la satiété ». Elle est d’ailleurs sécrétée à la quantité de masse grasse dans le corps.
Figure 2. Cerveau comme organe maitre dans la régulation des mécanismes impliqués dans la sensation de faim et de rassasiement
Suivant une perte de poids, la sécrétion de leptine est donc fortement diminuée, résultant en une sensation de satiété moindre entre les repas. D’autres hormones contribuant à la satiété diminuent également. La sécrétion de ghréline est aussi changée après une restriction calorique. En effet, l’estomac sécrète davantage de ghréline, ce qui se traduit par une sensation de faim accrue. En 2016, une équipe de chercheur·es a réalisé la démonstration que chaque kilogramme de poids perdu mène à une augmentation de la faim d’environ 100 calories. 100 calories est l’énergie retrouvée dans une banane ou une tranche de pain… Cela peut sembler négligeable. Cependant, pour une personne perdant 4,5 kg de poids corporel (environ 10 livres), c’est une augmentation de la faim de 450 calories, soit environ un repas complet! Les zones du cerveau liées à la récompense subissent également des changements, augmentant l’attrait pour les aliments riches en gras et en sucre. Ainsi, le corps dépense moins d’énergie et il nous envoie une panoplie de signaux pour augmenter l’apport alimentaire.
Figure 3. Résumé des adaptations physiologiques favorisant le regain du poids suivant une diète amaigrissante
Changer le paradigme et le discours sur le poids
Tout cela se produit sous le seuil de la conscience et est indépendant de la volonté… Pour ce qui est de l’amélioration de la santé physique, la compréhension de ces mécanismes entraine actuellement un changement de paradigme où l’attention est attirée sur les habitudes de vie, plutôt que le poids uniquement. Individuellement, mieux comprendre les adaptations de notre corps face à la restriction énergétique peut aider à poser un regard plus critique à l’égard des diètes amaigrissantes et à prendre une décision plus éclairée pour soi. Cette compréhension peut amener à cultiver plus de bienveillance à l’égard du corps qui lui, tente simplement de se protéger de ce qu’il perçoit comme une famine.
Découvre l'autrice
Myriam Beaudry
Myriam est nutritionniste-diététiste et étudiante au doctorat en nutrition à l’Université de Montréal. Ses travaux de recherche portent sur l’utilisation des oméga-3 pour cibler des facteurs de risque du diabète de type 2 et ce, plus spécifiquement dans le tissu adipeux. Lorsqu’elle n’est pas en train de faire des entrevues pour son balado Tête-à-tête avec la science ou de vulgariser la nutrition sur Instagram, elle est sur son vélo ou dans ses souliers de course quelque part à Montréal.