Entrevue avec Rémi Paré Beauchemin – Instigateur du balado Être et Liberté

Juliette François-Sévigny

Candidate au doctorat en psychologie

Laura Tribouillard

Candidate au doctorat en médecine moléculaire et étudiante au microprogramme en communication et journalisme scientifiques

Entrevue avec Rémi Paré Beauchemin – Instigateur du balado Être et Liberté

Juliette François-Sévigny

Candidate au doctorat en psychologie

Laura Tribouillard

Candidate au doctorat en médecine moléculaire et étudiante au microprogramme en communication et journalisme scientifiques

Doctorant à la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke, Rémi Paré-Beauchemin consacre sa thèse au développement du soi véritable chez les personnes étudiantes en enseignement supérieur, dans le but d’améliorer leur bien-être. En 2024, ce dernier et sa collègue, Sophie Labossière, ont lancé Être et Liberté, un balado novateur réalisé grâce à la subvention REGARDS – ODD du Fonds de recherche du Québec, qui a démarré avec l’objectif d’explorer des thèmes essentiels comme l’authenticité, la résilience, le sens de la vie et les passions. Ce projet rassemble des personnes professeures-chercheuses, des personnalités québécoises, des jeunes adultes (18-30 ans) et des personnes étudiantes en enseignement supérieur dans des discussions enrichissantes sur le bien-être et le développement identitaire. À travers cette entrevue, plongeons dans l’univers d’un projet qui inspire à être pleinement soi-même.

Qu’est-ce qui vous a inspiré à concevoir le balado Être et Liberté ? Était-ce un sujet personnel, une observation sociale ou un besoin que vous aviez constaté chez les jeunes adultes ?

L’idée du balado Être et Liberté est le fruit d’un cheminement personnel, d’une observation sociale et d’un besoin ressenti chez les jeunes adultes. Mon parcours personnel a joué un rôle central. J’ai moi-même traversé des difficultés identitaires durant mon adolescence et le début de ma vie adulte, à une époque où je me laissais souvent guider par le désir de plaire. Je me comparais, j’essayais d’adopter les comportements qui semblaient être valorisés socialement, mais je me suis vite rendu compte que ça ne favorisait pas mon bien-être.

 

J’avais commencé des études en droit, mais après deux ans, je me suis rendu compte que ce n’était pas ma voie. Mes notes diminuaient, mon intérêt et mon plaisir d’apprendre aussi. J’ai alors pris la décision de faire une pause et de partir en voyage seul avec mon sac à dos. J’ai exploré différents endroits au Québec, au Canada et aux États-Unis, multipliant ainsi les nouvelles expériences et les rencontres.

 

Voyager m’a appris à mieux me connaître. En étant toujours en mouvement, l’unique constante restait moi-même. J’ai dû apprendre à me fier à mon intuition plutôt qu’aux attentes des autres. Durant ces voyages, j’avais également commencé un projet d’écriture personnel appelé Being and Freedom. Il s’agissait d’un journal intime ou journal de bord dans lequel je notais mes réflexions sur l’authenticité, le sens de la vie et le fait d’oser être soi. Ces expériences m’ont réorienté vers des études en psychoéducation, où la relation d’aide, le développement et l’épanouissement de l’être humain y sont au cœur.

 

Réoriantant mon cheminement vers la recherche, j’ai pu découvrir que plusieurs des idées auxquelles je réfléchissais intuitivement étaient aussi des concepts étudiés en recherche. Passionné par ce que je lisais dans les articles scientifiques, j’ai souhaité pouvoir partager ces connaissances avec le public et même d’ouvrir un espace de dialogue sur ces sujets essentiels, mais souvent relégués au silence.

 

On entend fréquemment le conseil : « Sois simplement toi-même. » Mais qu’est-ce que ça signifie exactement? Comment être soi-même dans un monde où les influences extérieures sont très puissantes et la peur du jugement et du rejet omniprésente?

 

Être et Liberté se veut une invitation à se recentrer et à rechercher les réponses en soi plutôt que dans le regard des autres. Être et Liberté se veut être un compagnon de route dans cette quête identitaire, un espace d’exploration et de réflexion où chacun et chacune peut cheminer vers une meilleure connaissance de soi. C’est ainsi que le balado est né : un lieu de vulgarisation scientifique et de discussions autour du soi véritable, de l’authenticité et de la résilience. Mon objectif était de créer une ressource accessible aux jeunes adultes, leur offrant des outils et des perspectives pour mieux se comprendre et s’épanouir dans un monde qui nous pousse souvent vers la conformité et vers s’identifier avec des critères extérieurs pour notre valeur. À mon avis, ces pressions extérieures nous font courir le risque d’oublier ce qui fait de nous une personne unique : nos passions, nos valeurs, nos talents, nos rêves, en d’autres mots, notre soi véritable.

Créer un balado implique de rendre des idées complexes accessibles à un large public. Quelles stratégies avez-vous utilisées pour vulgariser des concepts tels que le soi véritable, l’authenticité ou encore la résilience ? Avez-vous rencontré des défis dans cet exercice ?

L’une des stratégies principales a été de s’appuyer sur des témoignages individuels. Dans le balado, nous invitons fréquemment des jeunes adultes ou des personnes étudiantes qui n’ont pas nécessairement d’expertise clinique ou scientifique, mais qui possèdent une expertise expérientielle précieuse. Ces récits personnels rendent les concepts scientifiques plus concrets et permettent aux personnes auditrices de mieux s’identifier aux sujets abordés. J’intègre également mes propres expériences, non pas pour recentrer les discussions sur moi, mais pour illustrer certaines notions à travers des exemples concrets avant de les approfondir avec des connaissances issues de la recherche, ainsi que pour encourager un partage de soi réciproque chez mes invité·e·s.

 

Au sein des épisodes, des personnes chercheuses sont également invitées pour compléter ces témoignages grâce à leurs connaissances scientifiques. L’idée est de faire le pont entre la recherche et la réalité du quotidien, en utilisant un langage simple et accessible. Ayant moi-même été introduit à la recherche seulement à la fin de mon baccalauréat, je suis conscient que le jargon diffère entre le monde scientifique et celui du quotidien. Ceci m’aide à reformuler les notions complexes dans un langage compréhensible, que ce soit à travers mes propos ou ceux des invité·e·s sur le balado.

 

Un défi constant en vulgarisation scientifique est de trouver le bon équilibre entre rester fidèle aux connaissances scientifiques et les rendre facilement accessibles et compréhensibles à un large public. L’objectif est de transmettre un message clair et impactant sans altérer l’essence des connaissances partagées. J’ai l’impression qu’il est nécessaire d’adapter la façon de communiquer ces connaissances scientifiques de manière à ce qu’elles soient engageantes et attrayantes pour le public visé, puisque sur les réseaux sociaux, elles auront à concurrencer avec d’autres contenus qui sont principalement axés sur le divertissement et qui recherchent également l’attention du public. 

 

Un autre défi avec un balado est de maintenir un climat bienveillant et confortable pour les invité·e·s, afin de favoriser des échanges authentiques, naturels et enrichissants. En tant qu’animateur, j’ai développé des compétences d’écoute active, de reformulation et de gestion des échanges pour faciliter les discussions et encourager les personnes invitées à se livrer en toute confiance. Apprendre à équilibrer mon propre témoignage avec la mise de l’avant des invité·e·s est un exercice constant : il s’agit de me mettre au service du message et de la cause, plutôt que d’avoir le message et la cause qui servent ma personne. Je souhaite qu’Être et Liberté soit une plateforme qui valorise la santé mentale et le bien-être, et non un moyen d’autopromotion personnelle.

À travers les discussions que vous avez animées et les récits que vous avez entendus, quelle a été votre plus grande leçon ou moment marquant ? Est-ce que ce projet a changé votre vision sur des sujets comme le bien-être ou le développement identitaire ?

L’un des aspects les plus marquants du projet est la résonance entre les témoignages des personnes invitées et les études scientifiques sur le soi véritable et l’authenticité. Des questions que je pose systématiquement aux personnes invitées sont : Qu’est-ce que ça signifie pour toi d’être véritablement toi-même? Qu’est-ce qui est un obstacle à ce que tu sois véritablement toi-même? Qu’est-ce qui t’aide à ce que tu sois véritablement toi-même. Ces questions inspirantes émergent d’un projet jeunesse développé avec le Mouvement Santé mentale Québec. Les réponses sont toujours fascinantes et rejoignent régulièrement les connaissances scientifiques. Elles soulèvent l’importance d’apprendre à se connaitre, à se connecter à sa voix intérieure et de faire taire les pressions externes, par exemple la peur du jugement des autres. Elles rejoignent souvent trois grands principes qui semblent se dégager des connaissances scientifiques sur ce qui peut favoriser le développement du soi véritable : 1) Connaître, accepter et valoriser qui l’on est véritablement, 2) Cultiver le courage d’exprimer librement qui l’on est véritablement et 3) Se développer un environnement qui accepte, valorise et soutien qui l’on est véritablement.

 

Leurs réponses mettent également de l’avant l’importance de l’exploration, en montrant que l’identité n’est pas une destination, mais un processus. En partageant leurs expériences, les invité·e·s  illustrent que l’authenticité se construit au quotidien et évolue avec le temps. Une métaphore que j’aime utiliser pour expliquer le concept du soi véritable est celle de la boussole de Jack Sparrow dans le film « Pirates des Caraïbes ». Cette boussole ne pointe pas vers le nord, mais vers ce que l’on désire le plus profondément. Je trouve cette image aidante pour mieux comprendre ce qu’est le soi véritable : dans ce cas-ci, cette boussole (ou notre soi véritable) nous pointerait vers les choix qui sont les plus alignés avec qui l’on est véritablement, et donc les choix qui seront les plus bénéfiques pour nous. Être véritablement soi-même n’est ainsi pas une destination fixe, mais un processus de découverte de soi qui évolue avec le temps et qui nous guide à développer notre plein potentiel et à vivre la meilleure vie que l’on peut vivre.

Le visuel du projet Être et Liberté est à la fois puissant et artistique, avec un lion coloré et des motifs détaillés. Pourriez-vous nous expliquer la symbolique derrière ce choix ? En quoi ce visuel reflète-t-il l’essence et les valeurs du projet ?

Le lion s’est imposé naturellement comme emblème du projet. Pour moi, il représente la force intérieure et le courage nécessaires pour être soi-même. Le lion incarne également la présence, la puissance et la splendeur de notre être véritable. Il symbolise le courage qu’il faut pour se libérer de nos limitations personnelles et embrasser notre plein potentiel. Le style mandala du lion illustre cette quête d’épanouissement et de transformation. Les couleurs vives et les motifs complexes représentent la diversité et la richesse de l’identité humaine. 

 

Le titre Être et Liberté incarne cette philosophie. Être signifie devenir la plus grande, la plus magnifique et la plus puissante version de soi-même. Et pour ça, il est essentiel d’être Libre – libre d’exister pleinement en accord avec son essence. Ce titre aurait d’ailleurs très bien pu être Être, Courage et Liberté, car le courage est indispensable pour s’affranchir des contraintes qui nous éloignent de notre soi véritable.


Ma croyance est que nous avons tous et toutes en nous un Être magnifique, libre et puissant – notre Soi Véritable, notre True Self. L’objectif, à mon avis, est de se reconnecter à cette essence : nos passions, nos rêves, nos intérêts intrinsèques, nos talents – tout ce qui nous fait vibrer et donne du sens à notre existence. En cultivant cette connexion, nous favorisons non seulement notre propre épanouissement, mais aussi celui des autres, car ce que nous cultivons pour nous-mêmes, nous pouvons ensuite le repartager avec les autres. Pour transformer le monde, j’ai l’impression qu’il faut d’abord apprendre à se transformer soi-même. Non pas en devenant quelqu’un d’autre, mais plutôt en devenant pleinement et authentiquement qui l’on est véritablement : notre soi véritable, notre True Self.

Découvre les autrices

Juliette François-Sévigny et Laura Tribouillard

Juliette et Laura sont les deux têtes qui dirigent la présente édition de La Fibre. Alors que Juliette est candidate au doctorat en psychologie, Laura est candidate au doctorat en médecine moléculaire. Les deux ont une passion commune : la communication scientifique.

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