Inviter les enfants à la table des décisions de santé

Sandrine Gagné-Trudel (elle)

Étudiante au doctorat en sciences biomédicales

Inviter les enfants à la table des décisions de santé

Sandrine Gagné-Trudel (elle)

Étudiante au doctorat en sciences biomédicales

Au Canada, des milliers d'enfants vivant avec des conditions de santé chroniques utilisent des soins de santé, comme l'ergothérapie et les soins infirmiers. Cependant, ce groupe d’enfants est souvent exclu des décisions importantes qui concernent leurs propres soins. Pourtant, des études montrent que les inclure améliore la qualité des soins, favorise leur santé et respecte leur droit fondamental* à participer. Lorsque les besoins et préférences des enfants sont activement recherchés et pris en compte, les interventions deviennent plus adaptées et efficaces. Alors, comment peut-on changer les pratiques actuelles pour que les enfants deviennent de véritables parties prenantes dans leurs soins de santé?

Imaginez être maire ou mairesse d’une ville et devez prendre une décision sur un important projet de développement durable. À la table se trouvent un·e biologiste, un·e urbaniste et un·e expert·e en biodiversité, mais aucune personne citoyenne n’est présente.

 

Comment savoir que votre décision répond à leurs aspirations? Sans leur voix, le processus est incomplet. Il en va de même dans les soins de santé. Lorsque les enfants ne participent pas aux décisions qui les concernent, il est impossible de s’assurer que les interventions tiennent compte de leur réalité unique.

 

Dans les soins de santé aux enfants, chacun apporte quelque chose à la table. Les parents apportent leur expertise sur la prise en charge quotidienne et la navigation des services. Les thérapeutes, de leur côté, contribuent par leurs connaissances sur la santé et les options thérapeutiques. Mais les enfants, eux aussi, possèdent une expertise précieuse : celle de leur propre vécu avec une condition chronique.

Impliquer les enfants : une clé pour des soins réussis

Lorsque les perspectives des enfants sont intégrées aux décisions de santé, la qualité des soins s’en trouve améliorée. En effet, les enfants qui participent activement à la prise de décisions sont plus satisfaits et adhèrent mieux aux interventions proposées. Cela se traduit par de meilleurs effets sur leur santé physique et mentale.

 

De plus, inclure les enfants dans les décisions concernant leur santé renforce leur estime de soi. En se sentant capables de contribuer à leurs propres soins, leur confiance et leur sentiment d’accomplissement s’accroissent. Cela contribue non seulement à leur épanouissement, mais garantit également le respect de leur droit fondamental* à participer aux décisions qui les affectent directement.

Grands obstacles pour faire participer les plus petits

Malgré ces avantages, inclure les enfants reste difficile. Une étude récente a révélé que les soins de santé laissent peu de place aux enfants pour partager leurs perspectives. Les enfants se sentent parfois ignorés ou incompris, ce qui peut provoquer de la frustration. 

 

Un manque de confiance existe souvent entre les différentes parties prenantes des soins. D’un côté, les adultes doutent parfois des compétences des enfants à participer aux prises de décision. De l’autre côté, des enfants hésitent à s’exprimer, par crainte de ne pas être pris au sérieux ou par incertitude quant à la valeur de leur contribution. Ce manque de confiance mutuelle limite la participation active des enfants dans leurs soins.

Vers une table décisionnelle inclusive

Impliquer les enfants dans les décisions sur leurs soins nécessite de repenser certaines pratiques. Une étude canadienne récente, menée avec des enfants de 7 à 12 ans, propose des pistes d’action concrètes, pensées par les enfants eux-mêmes.

 

Parmi les pistes d’action, les enfants recommandent de prendre le temps d’établir une relation de confiance avec eux. Dans un espace fondé sur l’écoute, le respect et la sécurité, les enfants se sentent plus à l’aise pour exprimer leurs idées et leurs besoins. Cette relation est aussi facilitée lorsque les parents et les thérapeutes montrent un intérêt authentique pour leurs perspectives. Par exemple, poser une question comme « Qu’aimerais-tu changer dans tes soins ? » peut ouvrir la porte à une discussion enrichissante et sincère.

 

Ensuite, une autre piste d’action consiste à repenser les barrières traditionnelles entre adultes et enfants dans le processus de prises de décisions, en les réunissant autour d’une même table. Pour ce faire, les enfants expriment le besoin de recevoir des informations adaptées à leur âge afin de bien comprendre les enjeux liés à leurs soins. Les enfants souhaitent également que leurs besoins, leurs préférences et leurs objectifs soient pris au sérieux, et que leur contribution ne se limite pas à des choix symboliques ou superficiels. 

 

Enfin, les enfants soutiennent qu’un espace thérapeutique accueillant et adapté à leurs besoins facilite leur participation aux décisions. Cela inclut des espaces qui encouragent leur expression grâce à des outils de communication diversifiés qui permettent aux enfants d’exprimer leurs besoins et objectifs de façon accessible. Ces outils peuvent inclure des images à pointer, le dessin, et tout autre moyen de communication, sans se limiter au langage verbal.

Passons à table, ensemble

Inviter les enfants à participer aux décisions qui touchent leur santé, c’est reconnaître leur rôle légitime en tant qu’acteurs et actrices de leur propre vie. En travaillant ensemble – enfants, parents et thérapeutes – nous pouvons offrir des soins de santé où chaque décision reflète les besoins réels de ceux et celles qu’elle concerne. Et en écoutant attentivement les perspectives souvent négligées des enfants, nous faisons bien plus qu’améliorer leurs soins : nous construisons un avenir où chaque enfant est entendu et respecté.

Lexique

 

Droit à la participation : Le droit à la participation des enfants s’inscrit dans l’Article 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies, ratifiée par le Canada en 1991. Cet article stipule que tous les enfants ont le droit d’exprimer librement leur avis sur toute question les concernant. Leur avis doit être dûment pris en considération en fonction de leur âge et de leur maturité.

Découvre l'autrice

Sandrine Gagné-Trudel (elle)

Sandrine est doctorante en sciences biomédicales à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Forte de son expérience comme ergothérapeute en enfance, elle consacre sa thèse à l’étude du rôle des enfants dans les processus décisionnels au sein des services de santé, notamment dans les services de réadaptation. Lorsqu’elle n’est pas plongée dans sa recherche, Sandrine se passionne pour les activités de plein air, comme la course en sentier et le ski de fond.

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