Ces parents qui en font trop

Charlotte Longpré

Étudiante au doctorat en psychologie

Audrey-Ann Journault

Étudiante au doctorat en psychologie

Ces parents qui en font trop

Charlotte Longpré

Étudiante au doctorat en psychologie

Audrey-Ann Journault

Étudiante au doctorat en psychologie

Des termes comme « parents hélicoptères » ou « maman tigre » sont récemment apparus dans notre vocabulaire pour dépeindre des parents très impliqués, voire « trop » impliqués dans la vie de leurs enfants. Connaissant le rôle important des parents dans le développement de l’enfant, la communauté scientifique s’est intéressée à ces parents surimpliqués et aux impacts potentiels sur la santé mentale des jeunes. Alors que certaines études observent que plus le parent est surimpliqué, plus l’enfant manifeste des symptômes anxieux, d’autres travaux de recherche demeurent nécessaires pour mieux comprendre ce lien.

Ce matin, dès que la mère de Milo réalise qu’il a oublié son cahier d’exercices à la maison, elle s’empresse d’aller lui porter à l’école. Est-ce trop? Lorsque Sam, 14 ans, sort avec des ami·e·s, son père lui demande de l’informer de tous ses déplacements et l’appelle plusieurs fois pour s’assurer que tout se passe bien. Est-ce trop? Pour que Maxim développe diverses compétences et intérêts variés, ses parents l’ont inscrite à des cours de piano et d’anglais les soirs de semaine, en plus du tennis le samedi matin. Est-ce trop? Il est clair que les parents de Milo, Sam et Maxim sont remplis de bonnes intentions. Ils sont certainement guidés par un désir de relever l’immense défi d’être un bon parent. Cependant, à force de vouloir bien faire, il est possible d’en faire trop. Ces comportements s’inscrivent dans le phénomène appelé hyperparentalité ou surparentalité.

Quand l’hyperparentalité et l’anxiété cohabitent

Malgré les bonnes intentions des parents derrière les comportements d’hyperparentalité, des études suggèrent que de tels comportements pourraient avoir un impact sur la santé mentale des adolescent·e·s et des jeunes adultes. En effet, il semblerait que les parents adoptant davantage de comportements d’hyperparentalité tendent à avoir des enfants plus anxieux que la moyenne. Bien que la majorité des comportements d’hyperparentalité peuvent être considérés comme optimaux à plus petite échelle, c’est la tendance des hyperparents à s’investir à l’extrême dans la vie de leurs enfants qui semble moins adéquate. Bien que ces résultats indiquent qu’il existe un lien entre l’hyperparentalité et l’anxiété de l’enfant, ils ne permettent cependant pas d’établir que l’hyperparentalité cause l’anxiété chez l’enfant. En effet, il est possible que ce soit plutôt la présence d’anxiété chez le jeune qui incite le parent à se surimpliquer. Il faut donc interpréter ces résultats avec prudence.

Différents types d’hyperparents

Les comportements d’hyperparentalité définis dans les dernières années peuvent prendre plusieurs formes. D’abord, les parents « hélicoptères » sont motivés par un désir de surprotéger leurs enfants par peur qu’ils manquent d’aptitudes ou de compétences pour se protéger eux-mêmes. En ayant tendance à vouloir sauver leurs enfants, ces parents utilisent davantage de comportements contrôlants* diminuant généralement l’autonomie des enfants. Ensuite, les parents « tigres » adoptent des attitudes et des comportements parentaux qui exigent la réussite exceptionnelle de l’enfant dans divers domaines, y compris à l’école. Ces parents font preuve d’une grande discipline et mettent une pression énorme sur l’enfant en ce qui concerne les obligations familiales et les résultats scolaires. Les parents « cultivateurs » quant à eux, proposent, voire imposent à leurs enfants de nombreuses activités extrascolaires. En offrant à leurs enfants des opportunités de développer autant de compétences que possible, ces parents espèrent qu’ils auront un meilleur avenir que les autres enfants. Enfin, le style d’hyperparents surnommé « petit empereur » a initialement été conceptualisé pour décrire les comportements des parents issus de la culture asiatique, n’ayant qu’un seul enfant. Il correspond à des parents qui répondent à toutes les demandes et désirs de leurs enfants (biens matériels ou autres).

Hyperparentatlité ne rime pas avec fatalité

Il est bien établi que les comportements parentaux ont une incidence importante sur la santé mentale des enfants. Pour cette raison, une série d’ateliers a été développée afin d’outiller les parents à adopter de meilleurs comportements parentaux. Le programme Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent a permis aux parents d’adopter trois comportements considérés comme optimaux. À la suite de leur participation aux ateliers en petits groupes, les parents arrivaient à offrir une meilleure structure* à leurs enfants, notamment via la présence de règles et d’attentes claires. Ils étaient aussi en mesure de mieux soutenir l’autonomie* de leurs enfants, par exemple en étant empathiques, en permettant à leurs enfants de faire des choix ou en expliquant la logique derrière leurs décisions.

Finalement, les parents étaient plus chaleureux* envers leurs enfants. De plus, en ayant des parents adoptant davantage de comportements optimaux, les enfants manifestaient moins d’anxiété; c’est-à-dire qu’ils étaient moins inquiets et avaient moins tendance à anticiper des situations hypothétiques. Les enfants présentaient également une meilleure humeur; ils étaient moins tristes et ont rapporté un plus haut niveau de bien-être. Il est donc possible d’améliorer les pratiques parentales pour les parents de manière générale. Toutefois, afin de développer des programmes spécifiques aux besoins des hyperparents, il serait aussi important de mieux comprendre leur réalité, puisque c’est bien malgré eux que ces parents adoptent des comportements moins optimaux. Au contraire, les hyperparents agissent dans l’intention d’assurer à leurs enfants le meilleur avenir possible dans un contexte sociétal d’instabilité économique où la performance est devenue un gage de réussite. La société pourrait donc aussi avoir un rôle à jouer dans cette surimplication parentale en instaurant une pression d’être le meilleur parent.

Lexique

Comportements contrôlants : Mettre de la pression sur les enfants pour qu’ils se conforment et obéissent (p. ex., menacer l’enfant ou induire de la culpabilité).

Structure : Établir à la maison des consignes et des attentes claires et constantes pour les enfants.

Soutien à l’autonomie : Offrir des opportunités aux enfants d’agir de manière autonome. Par exemple, les parents peuvent offrir des choix à l’enfant, le laisser prendre des initiatives, expliquer les raisons derrière leurs décisions, le tout en étant empathiques.

Chaleur : Faire preuve de bienveillance et être disponible émotionnellement pour son enfant.

Découvre les autrices

Charlotte Longpré, M.Sc. et Audrey-Ann Journault, B.Sc.

Charlotte et Audrey-Ann sont toutes deux étudiantes au doctorat en psychologie à l’Université de Montréal. Alors que Charlotte s’intéresse, dans le cadre de sa thèse, aux pratiques parentales favorisant l’autonomie chez les enfants et ultimement leur fonctionnement scolaire, Audrey-Ann s’intéresse à mieux comprendre le rôle des parents et des « mindsets » dans l’anxiété et le stress des enfants et des adolescents. Toutes deux adorent se retrouver sur le bord d’un lac pour rédiger ensemble des articles scientifiques ou de vulgarisation.

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1 Comment

  1. Claude Malenfant dit :

    Les enfants apprennent à être parents en ressentant, en regardant et en écoutant leurs parents.

    Si les modèles parentaux actuels sont inadéquats, ce sont alors les modèles sociétales qui sont malades.

    Deux choix s’offrent à nous. Compenser en enseignant aux parents à être adéquats ou changeons un modèle sociétale(parents absents parce que trop occupés à promouvoir inconsciemment la consommation) inhumain.

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