Entretenir les liens conjugaux après la mort

Noémie Couture

Étudiante à la maîtrise en travail social

Entretenir les liens conjugaux après la mort

Noémie Couture

Étudiante à la maîtrise en travail social

Le désir de maintenir une relation avec le ou la conjoint.e décédé.e serait vécu par plusieurs endeuillé.es. Par exemple, certains tentent de communiquer avec le ou la défunt.e, en lui parlant ou en tentant de maintenir les souvenirs de leur relation passée encore vivants. Le maintien de la relation avec le ou la conjoint.e décédé.e serait associé à un processus de deuil résilient pour certains endeuillé.es (Klass, D., Routledge, 2018). Cette résilience* pourrait mener un.e endeuillé.e à avoir une plus grande sensibilité face à la vie et à l’apprécier davantage (Van Hook, M. P., Oxford University Press, 2014).

La perte d’un être cher est considérée comme étant un des événements les plus stressants que l’on puisse vivre au courant de notre vie. Celle-ci touche 50 % des femmes et 10 % des hommes âgé.es de 65 ans. Cette proportion augmente respectivement à 80 % et 40 % à l’âge de 85 ans. Bien que le deuil conjugal soit une expérience unique à chacun.e, il engendre généralement un important sentiment de détresse et de solitude affectant la santé globale des endeuillé.e.s. Les hommes sont à plus haut risque de développer ce type de conséquences nocives pour la santé. C’est ainsi qu’une étude a été réalisée à l’Université du Québec à Montréal auprès d’hommes aînés endeuillés de leur conjointe. Selon cette étude, le besoin de maintenir une relation avec la défunte est très présent. Le lien que le conjoint survivant continue d’entretenir avec la défunte, peut être associé à la façon dont un endeuillé s’adapte au deuil conjugal

Communiquer avec la conjointe décédée

Plusieurs hommes endeuillés continuent de maintenir une relation avec leur conjointe décédée. Certains endeuillés entretiennent une relation de nature spirituelle avec la défunte. Par exemple, certains parlent avec leur conjointe défunte avant le coucher. D’autres peuvent aussi chercher à maintenir une relation avec leur conjointe décédée, et ce, à travers différents comportements et expressions émotionnelles. Il n’est pas rare que le conjoint survivant rêve à son ancienne partenaire, par exemple. Comme cette relation peut être rassurante pour certains endeuillés, ces comportements leur permettraient de cheminer et de faire face à l’inconnu de leur nouvelle vie. D’autres endeuillés peuvent poser des questions à la défunte dans des moments d’incertitude et  celle-ci leur enverrait des signes en guise de réponse. Le simple fait de s’adresser à la défunte pourrait leur redonner confiance en leurs propres décisions. Certains endeuillés ressentent la présence réconfortante de leur conjointe comme un « ange » qui les protègent. C’est ainsi que quelques endeuillés peuvent ressentir la présence physique de leur conjointe, l’apercevoir ou l’entendre à travers des hallucinations visuelles ou auditives. D’autres peuvent vivre des expériences olfactives ou tactiles, en sentant le parfum de leur conjointe défunte, par exemple. Ces hallucinations sont plus fréquentes chez les endeuillés ayant été dans un « mariage heureux » et sont perçues comme étant aidantes dans leur deuil.

Maintenir les souvenirs vivants

La remémoration de souvenirs réconfortants vécus avec la conjointe décédée serait une stratégie d’adaptation souvent employée par les hommes endeuillés. Toujours selon cette étude, la conjointe décédée occupe une grande place dans la vie des hommes âgés endeuillés. Leur relation conjugale représente une grande « richesse », et ce, même après le décès. La relation conjugale passée contribue grandement au bien-être actuel des conjoints endeuillés. Entre autres, il est important pour plusieurs endeuillés de continuer à maintenir la défunte vivante à travers des conversations avec leurs proches, que ce soit avec des ami.es ou des membres de la famille. Il est également important pour certains d’entre eux de pouvoir discuter de leur relation conjugale passée avec leur nouvelle conjointe. Alors que l’on pourrait croire que ce type de discussion, dans la nouvelle relation conjugale, puisse entraîner certaines tensions, les endeuillés soulignent plutôt l’importance d’un dialogue ouvert et fréquent à ce sujet. D’autres endeuillés maintiennent le souvenir de leur conjointe décédée en affichant des photos leur rappelant des évocations de voyage, par exemple. 

Honorer les désirs

Le besoin de l’endeuillé d’honorer les désirs de la conjointe décédée peut traduire une volonté de maintenir un lien avec celle-ci. Lors de la fin de vie, certaines personnes énoncent des volontés à accomplir après leur décès. Honorer les désirs de la défunte pourrait contribuer à la résilience des endeuillés en donnant un sens à la mort de l’être cher. Par exemple, il arrive qu’un endeuillé tienne à faire le voyage qu’il avait auparavant planifié avec sa conjointe défunte. Lors de ce voyage, celui-ci, maintenant seul, pourrait s’imaginer les dialogues qu’ils auraient eu ensemble devant ce qu’il découvrait. Ce type d’initiative de l’endeuillé démontre une volonté de maintenir des liens avec la défunte, tout en respectant ce qui avait été auparavant énoncé dans le couple.

Le deuil conjugal, un phénomène à plusieurs facettes

Considérant le vieillissement de la population et le nombre grandissant d’aînés qui vivront le deuil d’un.e conjoint.e, il est important de se pencher davantage sur cet enjeu. Comme le deuil est une expérience unique à chacun.e, il est important de considérer  différents éléments pouvant l’influencer. Par exemple, plusieurs facteurs contextuels, tels que le type de décès du ou de la partenaire et la durée de l’hospitalisation peuvent influencer l’intensité et la durée du deuil d’un.e endeuillé.e. Divers facteurs sociaux et individuels, tels que le soutien social, le soutien professionnel, la pratique de rituels funéraires, les caractéristiques personnelles et la capacité de résilience d’un.e endeuillé.e sont également quelques exemples d’éléments à considérer lorsque nous tentons de comprendre le deuil. Pour le deuil conjugal, il semble pertinent de tenir compte de la nature de la relation auparavant entretenue au sein du couple, qu’elle ait été chaleureuse ou conflictuelle. Un.e endeuillé.e qui perd sa principale source de sécurité, par exemple un.e conjoint.e, pourrait vivre de fortes émotions de deuil, telles que la tristesse et l’anxiété. En maintenant des liens avec le ou la défunt.e, l’endeuillé.e peut ainsi retrouver un certain réconfort dans son processus de deuil.

Lexique

Résilience : La résilience est le processus par lequel les individus s’adaptent et gèrent les difficultés, mais cette aptitude représente également la capacité à créer et maintenir une vie qui fait sens pour eux, tout en contribuant aux personnes autour d’eux. La résilience implique un processus à travers lequel l’individu développerait une vie réussie malgré l’exposition à de multiples facteurs de risque, tel que la perte d’un proche

Découvre l'autrice

Noémie Couture

Noémie est finissante à la maîtrise en travail social à l’Université du Québec à Montréal. Son parcours scolaire et professionnel diversifié l’a amené à s’intéresser aux aspects sociaux du vieillissement. Le deuil, la mort, les rituels, les liens sociaux, la conjugalité et les réalités masculines sont quelques exemples des sujets qui la passionnent.

(Visited 1 595 times, 1 visits today)

2 Comments

  1. Daielle dit :

    Votre article est très pertinent.danielle

  2. Lyne Brousseau dit :

    Merci beaucoup. Vous lire m a fait du bien. J ai eu 4 décès en 6 mois: mon neveu, mon mari et mon père en une semaine et deux mois après ma tante qui était une mère pour moi. J ai été proche aidante, je le suis encore. Je commence à peine a vraiment pleurer mon mari. J étais comme gelée, dans la brume. En plus j étais exécutrice testamentaire pour 3. C est très difficile mais tout comme mon mari j essaie d être résiliante

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *