Le petit poisson-zèbre : un grand allié pour la recherche

Jasmine Chebli

Docteure en neurosciences et physiologie

Le petit poisson-zèbre : un grand allié pour la recherche

Jasmine Chebli

Docteure en neurosciences et physiologie

Pour évaluer si une substance qui nous entoure peut se révéler être un contaminant toxique pour l’humain, les chercheurs.es utilisent différents sujets d’étude. Parmi ceux-ci nage le poisson- zèbre. Plusieurs atouts de ce poisson font de lui un fort allié pour les chercheurs.es. En effet, les études réalisées à l’aide du poisson-zèbre nous ont notamment permis d’identifier des propriétés toxiques sur la santé humaine de certains contenants plastiques et de produits chimiques d’usage quotidien. Alors comment se fait l’observation de ce poisson? En quoi les conclusions de ces études peuvent-elles affecter nos habitudes quotidiennes?

Le poisson-zèbre possède plusieurs caractéristiques particulières contribuant grandement à sa pertinence pour étudier la santé humaine. Parmi celles-ci se trouve leur développement neuronal « accéléré ». En effet, en moins de 24 heures, l’embryon du poisson-zèbre évolue d’une seule cellule à un système cérébral quasi mature. C’est ce qu’on appelle s’activer les neurones! Chez l’humain, c’est seulement à la fin de l’adolescence que le cerveau atteint une telle maturité. Puis, même si la ressemblance physique entre le poisson-zèbre et l’humain n’est pas des plus évidentes, plus de la moitié des gènes retrouvés chez l’humain sont aussi exprimés chez ce poisson. Sans compter que les embryons des poissons-zèbres sont transparents et il est donc possible d’observer leurs organes simplement en les examinant sous le microscope, facilitant grandement le travail des chercheurs.es.  

Image par Jasmine Chebli, PhD

Le poisson-zèbre est de plus en plus utilisé en recherche scientifique, et ce, pour un vaste éventail de domaines de recherche tels que les maladies neurodégénératives, les effets des opioïdes, l’épilepsie, les problèmes reliés à la reproduction ou pour des études de toxicologie. Conséquemment, nous devons une quantité insoupçonnée de nos connaissances sur la toxicité des polluants environnementaux et leurs effets sur le développement du cerveau à la recherche réalisée à l’aide des poissons-zèbres.

Comment mesure-t-on la toxicité d’un contaminant ?

Les chercheurs.es ont établi plusieurs tests et mesures pour évaluer les effets toxiques des polluants environnementaux sur la physiologie du poisson-zèbre. En ajoutant les composés soupçonnés d’être toxiques dans le milieu aquatique des poissons-zèbres, il est possible de comparer leur taux de survie ainsi que le développement, tant chez l’embryon que chez l’adulte. Les comportements typiques tels que l’accouplement, le style de nage, les signes d’anxiété et d’agressivité peuvent révéler un effet des contaminants environnementaux. Il est également possible d’évaluer la toxicité de composants chimiques sur des types de cellules bien spécifiques, notamment sur celles composant le cerveau et le système nerveux du poisson-zèbre. Il est intéressant de savoir que les étapes du développement neuronal sont si bien décrites chez le poisson-zèbre que l’on peut identifier des retards sur le développement cérébral aussi petits qu’un quart d’heure

Étant donné qu’une simple exposition du poisson-zèbre à un contaminant permet de prédire les effets sur le cerveau et le système nerveux, le rôle perturbateur de plusieurs composés se retrouvant dans notre environnement et soupçonnées d’être toxiques a pu être étudiées.

Toxique pour le système nerveux

Parmi ces contaminants perturbateurs se trouvent des composés utilisés dans la fabrication du plastique, notamment les bisphénols, souvent abrégés BPA et BPS. Les bisphénols font les manchettes depuis des dizaines d’années et ils ont été souvent associés à la fabrication de biberons pour enfants. Or, les embryons de poisson exposés à ces composés présentent un comportement hyperactif. Il faut comprendre que, tout comme une activité physique intense, soutenue et sans aucun repos peut avoir des effets dommageables sur nos muscles, une hyperactivité se veut néfaste pour l’organisme. Les conclusions de plusieurs études de recherche ont donc mené à l’interdiction d’utiliser le BPA dans la fabrication des biberons pour enfants

Dérèglement des systèmes reproducteurs

Par ailleurs, des perturbations hormonales chez le poisson-zèbre ont également été identifiées à la suite d’exposition aux phtalates. Il s’agit de composés synthétiques contenus dans divers contenants alimentaires, produits commerciaux et d’hygiène personnelle. Ces composés, lorsqu’ajoutés au milieu aquatique des poissons, diminuent la production de la testostérone chez les mâles, ce qui peut affecter la qualité du sperme et donc influencer la fertilité des mâles. De plus, il a été montré que les nanoparticules de silice et de chlorure de cadmium, notamment utilisé pour la coloration industrielle des fameux taxis new-yorkais, diminuent la qualité des ovaires des femelles et provoquent des malformations chez les embryons naissants. Ces résultats obtenus dans ces études permettent de fournir des preuves tangibles et factuelles lorsque, par exemple, un projet de loi veut être déposé. 

Développement embryonnaire perturbé

Notre cour extérieure ainsi que nos champs ne sont pas non plus à l’abri des contaminants environnementaux. Parmi ceux-ci figurent certains herbicides, dont le plus populaire est sans doute l’herbicide à base de glyphosate, le Roundup®. Intéressé.es par les potentiels effets néfastes et destructeurs de certains contaminants environnementaux sur les plantes et la faune, des chercheurs.es ont montré que les embryons de poissons-zèbres exposés au Roundup® avaient des malformations aux yeux et au cerveau. Il a également été soulevé que l’exposition aux composés toxiques de pesticides entraîne la perte de neurones impliqués dans le déplacement des poissons-zèbres. Ces recherches ont ainsi contribué à l’interdiction de cet herbicide dans de nombreux pays au courant des dernières années.

Quelles seront les nouvelles découvertes et percées scientifiques réalisées grâce à nos alliés, les poissons-zèbres? Difficile à savoir. En revanche, il est certain que pour démystifier les prochaines questions scientifiques, le poisson-zèbre peut nous éviter de donner notre langue au chat. 

Faits divers sur les poissons-zèbres

Découvre l'autrice

Jasmine Chebli

Jasmine a obtenu son doctorat en neurosciences et physiologie à l’Université de Gothenburg en Suède où elle a pu approfondir les connaissances sur la neurogenèse et sur les maladies neurodégénératives telle que la maladie d’Alzheimer. Elle s’intéresse particulièrement à la recherche fondamentale, notamment à l’aide de modèles in vivo, et au partage de connaissance via la vulgarisation scientifique. Jasmine est aussi adepte des sports d’extérieur comme l’escalade, le vélo de montagne et le ski de randonnée.

(Visited 420 times, 1 visits today)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *